[Quête] Sur la Sylvestre...

[Galathée]

Le mage opina du chef.
" Ce n'est pas forcément de la forêt que peut surgir le danger. Mais comme je l'ai dit, les humains ont assaini la région. Ils sont, à ma connaissance, en bons termes avec le clan d'elfes des bois qui vit à proximité, même si chacun reste de son côté de l'orée des bois. Mais c'est un des secteurs où les conflits sont rares. Je pense que vous serez bien accueilli. Les elfes du soleil sont considérés comme de bons présages par tous les peuples... sauf les orques, sans doute, mais vous n'en rencontrerez pas."
Il tourna la tête.
" Vous devriez aller coucher les enfants. Le plus grand va finir par basculer tête la première dans les flammes."

[Taliesin]

-Vous avez raison.
Taliesin se leva.
-Merci pour la conversation.
Il se tourna vers les garçons.
-Venez, vos hamacs vous attendent, dit-il, en commun cette fois.

[Galathée]

Ils regagnèrent le bord de l'Ecureuil. Il y avait de la lumière dans la cabine du capitaine, mais sinon, tout paraissait silencieux. Une trappe était ouverte à la proue du bateau, et ils purent descendre sous le pont grâce à une échelle. Comme on les en avait prévenus, la cale était très basse de plafond. Trois hamacs étaient tendus entre des poutres, et plusieurs paillasses étaient installées le long des parois. Deux d'entre elles étaient occupées par des elfes assis, en Rêverie. Raconter une histoire dans ces conditions paraissait un peu compliqué, et les deux enfants le comprirent sans que Taliesin ne doive leur expliquer. Ils se glissèrent chacun dans un hamac et Victor manqua verser par-dessus mais se stabilisa in extremis. La nuit promettait d'être... intéressante.

[Taliesin]

-S'il y a le moindre problème, je suis là, n'hésitez pas à me réveiller, leur dit-il, songeant surtout à Baptiste à qui dormir dans une cale risquait de rappeler de mauvais souvenirs. Bonne nuit !
Et il s'installa dans son propre hamac, se disant qu'au pire, il pourrait toujours aller récupérer des couvertures dans le coffre pour qu'ils dorment par terre. Moins confortable mais... moins risqué.

[Galathée]

Il était encore très tôt aussi le barde ne parvint-il pas à s'endormir aisément. Victor, de son côté, sombra comme une pierre, ce qui limita ses mouvements. Taliesin devina que Baptiste, de son côté, peinait à trouver le sommeil. Mais les lieux n'avaient rien de la cale sordide d'un navire esclavagiste : le bois semblait diffuser une étrange lumière verte, presque chaleureuse, et dégageait une odeur fraîche de mousse et de menthe sauvage. Le bateau bougeait légèrement sur l'onde, en un mouvement agréable, berçant. Au bout de quelques soupirs, Baptiste finit par se détendre et glisser dans les limbes.
Ni le mage, ni le dernier elfe ne descendirent sous le pont pendant la petite heure que dura l'éveil du barde. Il finit par s'endormir, cependant, et la nuit se déroula sans incidents.
Au petit matin, quand il ouvrit l'oeil, l'Ecureuil était déjà en mouvement. Victor dormait encore, mais Baptiste avait disparu.

[Taliesin]

Il se leva et, ayant décidé de laisser Victor dormir encore un moment, il entreprit de rallier le pont, curieux de voir ce que faisait Baptiste, s'il avait réussi à amadouer l'un des elfes...
Il était un peu désolé pour les garçons : il n'y avait pas grand chose à faire, sur le bateau, et les discussions invariablement en elfique devaient leur laisser une drôle d'impression, un vague sentiment d'être marginalisés. Heureusement, le trajet ne serait pas très long : ils en avaient déjà fait un tiers.

[Galathée]

Tout l'équipage était déjà à pied d'oeuvre et l'Ecureuil filait sur le courant, la voile gonflée. Baptiste était assis sur l'un des bancs, vers la proue, et tourné vers l'intérieur du bateau, il écrivait. Ou plutôt il dessinait, comme le barde s'en rendit compte en le rejoignant. Il avait un bol vide à côté de lui, signe qu'il avait petit-déjeuné, et il désigna une marmite ronde, posée au pied du mât.
" Bien dormi ? Tu peux te servir, je pense... Eux, ça fait déjà des heures qu'ils sont en mouvement..."
Il avait une petite mine, signe qu'il avait sans doute eu une nuit agitée.

[Taliesin]

-Bien dormi. Je vais me servir et je reviens.
Quelques instants plus tard, il s'installait à côté de Baptiste, son bol à la main.
-Ça n'a pas été trop rude ? demanda-t-il doucement.
Sans doute leur petite pharmacie contenait-elle de quoi lui accorder un meilleur sommeil la nuit prochaine, au besoin.

[Galathée]

" Non, ça va. C'est juste que... je suis aux aguets, je crois, même quand je dors. Alors quand il y a du mouvement... je me réveille. Ils sont incroyablement silencieux, pourtant. Je ne savais pas qu'on pouvait se déplacer aussi... discrètement. Comme des ombres. Mais ça me réveille quand même. Et après, il me faut du temps pour me rendormir. Ils sont repartis dès l'aube, et ma nuit était terminée. Ce n'est pas grave. J'avais pris des réserves les jours précédents. Et puis ça me permet de profiter de chaque minute du voyage... Je trouve ça incroyablement... reposant, paradoxalement. Je ne sais pas bien expliquer."

[Taliesin]

-Je crois que je peux comprendre.
Il lui pressa l'épaule, s'abîma dans la contemplation du pont, du paysage au-delà.
Puis il revint à Baptiste.
-Je peux regarder ton dessin ?

[Galathée]

Baptiste lui tendit son carnet. Il avait dessiné plusieurs fois l'Ecureuil dans des perspectives différentes, dans son style extrêmement précis et détaillé, reproduisant fidèlement les courbes du bois, les lignes des cordes et les plis de la voile.
" Dommage que Gurvan ne soit pas là, dit-il. Il aurait pu faire des portraits de l'équipage. Enfin... Je ne suis pas certain que le capitaine aurait apprécié d'être dessiné..."

[Taliesin]

-Je n'en suis pas certain non plus.
Il sourit.
-En tout cas, bravo, c'est impressionnant. Et je ne dis pas cela juste pour te faire plaisir : tu te débrouilles vraiment bien. Grâce à toi, Galathée et les Merlus pourront se faire une meilleure idée de notre périple.

[Galathée]

" J'aimerais pouvoir leur cuisiner des choses, aussi..."
Il eut un sourire malicieux.
" J'imaginais rédiger une sorte de petit cahier de recettes pour accompagner le récit de Victor... Un plat de la Trouée, un plat elfique... et puis on verra ce que cette Vallée Fertile nous..."
Il s'interrompit, les yeux écarquillés. A la surface de l'eau et venant dans leur direction, flottait ce qui ressemblait très fort à un corps hérissé de flèches noires.

[Taliesin]

Et merde, il ne manquait plus que ça. Baptiste commençait tout juste à se sentir plus à l'aise, à vraiment profiter du voyage, et il fallait qu'ils croisent quelque chose de sinistre...
-Ne regarde pas, mon grand, dit-il doucement.
Et de se lever pour mieux voir, lui-même, de quoi il s'agissait exactement.

[Galathée]

L'elfe qui scrutait les berges avait aussi vu le corps et il y eut un peu de mouvement sur le pont. L'ancre fut jetée et le mage incanta pour stabiliser l'Ecureuil dans le courant. Voronwë quitta le gouvernail, le remettant au quartier-maître, tandis qu'à l'aide d'une gaffe, l'elfe qui avait repéré le cadavre le ramenait vers la coque. C'était un humain d'une quarantaine d'années, vêtu simplement. Vu son état, il n'avait pas dû séjourner très longtemps dans l'eau. Nremyn approcha à son tour et les elfes tinrent un court conciliabule.

[Taliesin]

Les hypothèses étaient multiples quant au sinistre sort du malheureux... Mais il évita de trop y songer : les elfes devaient savoir. Et il préférait se concentrer sur Baptiste, pour lequel il était plus que navré.
-On peut descendre dans la cale, si tu veux, lui dit-il d'un ton doux. Non que je craigne que nous soyons subitement attaqués mais ça t'éviterait de devoir regarder ailleurs. Enfin, c'est vraiment comme tu préfères.

[Galathée]

Baptiste lui sourit courageusement.
" Je vais descendre dans la cale... mais toi, j'aimerais mieux que tu ailles te renseigner sur ce qui se passe... J'aime mieux savoir... C'est plus facile de se prémunir quand on n'est pas dans l'incertitude."
Il se leva, et sans regarder dans la direction du corps, que les elfes n'avaient d'ailleurs pas ramené à bord, il se dirigea vers l'échelle et les profondeurs du navire.

[Taliesin]

-Je te rejoins dès que j'en sais plus, lui dit-il, réconfortant.
Il observa le garçon jusqu'à ce qu'il disparaisse, regrettant soudain amèrement de l'avoir contraint à participer au voyage : il n'avait vraiment, vraiment pas besoin de cela alors qu'il était en pleine reconstruction.
Il reporta enfin son attention sur l'équipage, guettant le moment où il pourrait obtenir des informations.

[Galathée]

L'équipage était toujours en pleine discussion, mais ils ne parurent pas surpris que Taliesin vienne à leur rencontre.
" Des gobelins, expliqua Nremyn. C'est un membre d'équipage d'une barge humaine, la Bergeronnette. Ils ont dû être embusqués en amont. Les gobelins sont stupides et faibles, mais s'ils sont nombreux, ils peuvent représenter un problème.
— Les gosses restent sous le pont, dit Voronwë en relâchant le corps dans l'onde, qui fut aussitôt emporté. Myn, les protections habituelles. Maître barde, gardez votre arc sous la main."

[Taliesin]

Des gobelins...
Sans doute aurait-il mieux valu prendre la route d'Anarion : lorsqu'ils avaient voyagé dans la vallée du Nirvana, deux ans plus tôt, les routes étaient relativement sûres.
Peut-être aurait-il dû tout simplement renoncer à cette expédition...
Enfin, il serait toujours temps d'y réfléchir plus tard.
-Je vais le récupérer. Je demeurerai dans la cale avec les garçons mais je me tiendrai prêt à vous rejoindre si vous me mandez.

[Galathée]

Voronwë secoua la tête.
" Non. Nous avons besoin de tous les yeux disponibles. Prenez quelques minutes pour rassurer les gamins, puis remontez."
Il ne laissa pas le temps au barde de répondre et repartit vers le gouvernail. Le mage sourit doucement.
" Vous ne devez pas vous inquiéter. C'est un petit souci mais... ce sont juste des gobelins. Un bon avant-goût de la Vallée, si vous voulez mon avis. Les régions sauvages sont ce qu'elles sont..."

[Taliesin]

Bigre, la partie de la vallée où il avait voyagé devait être vriament civilisée, par rapport au reste...
-Je suis habitué aux régions sauvages et, en toute honnêteté, je ne m'inquiète pas vraiment concernant les gobelins. Je suis juste inquiet pour l'un de mes garçons, qui... se remet d'expériences extrêmement douloureuses. J'aimerais que ce voyage l'aide à se reconstruire, pas qu'il l'enfonce... Mais bref, le capitaine a donné ses consignes, je les respecterai.
Sur un sourire quelque peu embarrassé, il entreprit de regagner la cale pour y expliquer la situation à Baptiste - et à Victor si celui-ci était réveillé.

[Galathée]

Victor émergeait. Baptiste était assis — vaille que vaille — dans son hamac.
" Il se passe quoi ?" demanda le premier, la voix pâteuse.
Baptiste, lui, ne dit rien. Il n'avait pas l'air particulièrement anxieux, juste déterminé.

[Taliesin]

Surtout, ne pas dramatiser la situation.
-Apparemment, il y a une bande de gobelins embusqués sur les bords de la rivière. Ils ont attaqué un autre bateau et nous venons de retrouver le corps de l'un de ses membres d'équipage. Même s'il est possible qu'ils tentent de s'en prendre à nous, ils ne représenteront pas une menace sérieuse : le capitaine et ses marins sont expérimentés, ils savent comment réagir pour s'en tirer sans mal. Il va juste faloir que vous restiez ici et que, de mon côté, je demeure sur le pont pour participer à la surveillance des berges.

[Galathée]

" D'accord, dit Baptiste, sérieusement.
— Trop génial ! s'exclama Victor, presqu'en écho. Est-ce que je peux venir ? J'ai mon arc ! Tu me prêtes des flèches ? Je suis sûr que je peux servir à quelque chose ! Et j'ai des bons yeux ! Je pourrais guetter les berges et puis sonner l'appel ! Est-ce qu'on peut fabriquer une potion avec un foie de gobelin ? Ou avec un oeil...
— Ah, t'es dégoutant..."
Mais la tirade de Victor avait au moins eu le mérite de le faire sourire.

[Taliesin]

Il sourit lui aussi.
-Victor, songe à la tete que fera le capitaine s'il te voit apparaître sur le pont, songe à la manière dont il te fera regagner la cale illico, et dis-moi si tu as vraiment envie de tenter le coup, dit-il d'un ton léger.
Tout en parlant, il récupéra son arc et son épée : que cela lui plaise ou non, il ne pourrait guère s'attarder.

[Galathée]

" Il fera une tête qui méritera une chanson à elle seule ! s'exclama le garçon. Et peut-être qu'il changera d'opinion sur les humains quand il verra combien nous sommes courageux dès le berceau !
— Mouais, il risque surtout de se dire que, comme il l'avait toujours pensé, nous manquons de jugeote."

[Taliesin]

-Il risque aussi de se dire que je n'ai aucune autorité sur vous, que je ne sais rien vous refuser, rien vous imposer, et par conséquent se substituer à moi pour que sa propre discipline règne... répondit-il d'un ton dégagé.
Il leur sourit.
-Allez, je monte. Je reviens vous voir dès que la situation sera à nouveau tranquille.

[Galathée]

" C'est pas juste !
— Sois prudent."
Et Taliesin émergea à nouveau sur le pont. Un des deux elfes qu'il ne connaissait pas encore très bien le héla.
" Le capitaine veut vous parler." dit-il en désignant Voronwë au gouvernail.
Le barde le rejoignit donc sur le toit de la cabine.
" Vous allez rester à la poupe et surveiller nos arrières. Au moindre doute, tirez. Il n'y a pas d'elfes dans cette région, et pas de villages humains non plus. Au pire, vous tuerez un oiseau malchanceux. Le plus probable est que nous allons retrouver la Bergeronnette. Si c'est le cas et que l'équipage ne se manifeste pas, nous l'aborderons. Vous resterez sur l'Ecureuil mais vous serez chargé de nous couvrir avec Gaelin."

[Taliesin]

-Bien compris, répondit-il simplement.
On le cantonnait aux tâches et aux positions secondaires mais cela lui convenait parfaitement. D'abord parce que c'était logique : le capitaine n'avait aucun moyen de savoir ce dont il était capable ou non. Ensuite parce qu'il n'entendait pas s'exposer inutilement : il avait beaucoup trop de responsabilités pour cela.
Bref, si Voronwë n'avait rien à ajouter, il gagnerait son poste sans tarder.