[Quête] Sur la Sylvestre...

[Galathée]

Quête : Le Berceau

Quittant les quais de Crue, et les barges humaines amarrées, l'Ecureuil entreprit sa remontée de la Sylvestre. La voile était gonflée, les elfes circulaient sur le pont, vérifiant les quelques cordages, enroulant les amarres qu'ils avaient détachées à la va-vite au moment du départ, surveillant le courant pour d'éventuels obstacles. La rivière était large et pour l'heure, ils ne la partageaient qu'avec quelques canards qui s'écartaient, offusqués, quand la proue venait fendre l'eau à proximité.
" Tu crois que c'était une bénédiction ou bien de la vraie magie ?" demanda Baptiste à Taliesin.
Victor, lui, scrutait les berges, à la recherche d'un monstre, sans doute.

[Taliesin]

-Je pencherais pour un sort mais en réalité, je n'en ai aucune idée, répondit-il. Je n'avais encore jamais assisté à ça. Bon, il faut dire que je n'étais encore jamais monté sur un navire elfique.
Il sourit.
-La seule chose dont je suis sûr, c'est que c'était bénéfique.

[Galathée]

" J'imagine." dit Baptiste en gloussant.
L'elfe aux cheveux blancs passa à côté d'eux en leur décochant un sourire tranquille. Il avait un visage très doux, sans âge, mais rien dans son accoutrement ne permettait de deviner la nature de son art. Quelques minutes plus tard, un des matelots alla s'installer à la proue avec un javelot pointu, scrutant l'onde. Le Quartier-Maître et l'autre elfe s'occupaient de la voile. Le troisième s'était posté derrière l'épaule de Voronwë qui barrait, la mine sévère. Autour de la rivière, les berges étaient déjà devenues plus sauvages, et Crue avait disparu. Des saules pleuraient dans l'onde, leurs branches ballotées par le courant, et de temps en temps, on apercevait le dos argenté d'un poisson. Ils croisèrent un premier ruisseau, vigoureux, qui se jetait dans le cours de l'onde, puis ils entrèrent dans une zone de rapides qu'ils traversèrent au prix de quelques éclaboussures.
Le périple continuait...

[Taliesin]

Pour l'heure, contempler le paysage lui suffisait amplement. En fait, cela pourrait lui suffir toute la journée.
Mais il pensait que ce ne serait pas le cas pour les enfants, qui avaient déjà dû affronter des jours et des jours de coche. Baptiste trouverait à s'occuper en lisant, plus que probablement, mais Victor, il faudrait l'aider à tenir en place.
Heureusement, il avait emporté des cartes à jouer. Et il ne manquait pas d'histoires à raconter.

[Galathée]

Victor regarda un moment le paysage, mais les buissons épais masquaient la vue, et seule la rivière et ses méandres s'offraient au regard. De grands arbres couverts de mousse étaient couchés le long des berges, parfois colonisés par des champignons. Ils dérangèrent une paire de cygnes, un héron, un troupeau de biches qui buvait dans l'onde (mais pas de licorne). Le matelot positionné à l'avant du bateau ferra un magnifique poisson argenté au ventre rouge, long comme un bras tendu, et le ramena sur le pont où il entreprit de le préparer. Finalement, Baptiste et Victor jouèrent ensemble aux cartes, abandonnant le barde à ses rêveries. Puis il perçut un mouvement sur sa droite, et l'elfe aux cheveux blancs vint s'asseoir à côté de lui.
" Bonjour, maître barde, je suis Nremyn, le mage de bord. Honoré de vous rencontrer."

[Taliesin]

-Tout l'honneur est pour moi, répondit-il, amical.
Il hésita.
-Avant que je n'oublie... Serait-il indiscret de vous demander de quel sortilège vous avez usé au moment du départ ? Nous nous interrogions quant à sa nature et quant à son but...
Le mystère allait peut-être être éclairci.

[Galathée]

" Je crains de ne pouvoir vous répondre clairement, dit le mage avec un sourire désolé. C'est un sortilège spécifique à mon rôle à bord. Nous l'appelons Bon Vent, même s'il ne contrôle pas réellement les éléments. C'est une sorte de... souhait de symbiose entre le navire et la rivière, une promesse de respect, en échange d'un voyage sans heurts. C'est presque quelque chose de sacré... Mais vous n'êtes pas sans savoir que pour notre peuple, la nature est un être à part entière et notre magie en fait intimement partie."

[Taliesin]

Il acquiesça.
-Bien sûr.
Son air se fit moins grave.
-Merci pour votre réponse, et pardonnez-moi si ma question était indiscrète. Ma curiosité est satisfaite et je pense qu'il en ira de même de celle de Baptiste - il le désigna - qui se demandait s'il s'agissait d'un sort ou d'une bénédiction.

[Galathée]

" Ce n'était pas indiscret, dit le mage en souriant. Quand on confie sa vie à des étrangers, il me parait crucial de s'intéresser un minimum à ce qui se passe autour de soi."
Il jeta un coup d'oeil par-dessus son épaule, croisa le regard du capitaine qui semblait peu goûter à leur échange, mais Nremyn se contenta de lui adresser un signe de la main.
" Bon, je vais vous laisser profiter du voyage. A plus tard."

[Taliesin]

-A plus tard.
Bon, cela faisait deux personnes abordables au sein de l'équipage. C'était plus qu'il ne l'avait espéré et, surtout, cela promettait des occasions de sociabiliser. Du moins, si le capitaine ne s'y opposait pas...
Dans l'immédiat, cependant, il reporta son attention sur la partie de cartes à laquelle se livraient les enfants.

[Galathée]

C'était un jeu simple et pas franchement passionnant pour le spectateur, si bien que le barde finit par reporter son attention sur les berges de la rivière. Ils progressaient désormais dans un vaste tunnel de verdure, qui résonnait du cri de mille oiseaux. De temps en temps, quelque chose bougeait sur la rive, un animal surpris qui s'enfuyait vivement, mais Taliesin ne vit jamais que des ombres.
Malgré l'atmosphère presque cavernicole de leur environnement, la voile de l'Ecureuil demeurait gonflée et ils remontaient le courant en glissant sereinement à la surface de l'onde. Il y avait désormais un elfe de chaque côté, surveillant la forêt qui les environnait, tandis que le mage avait repris sa place dans l'ombre du capitaine et que le quartier-maître gérait les filins de la voile.
Un trou de lumière apparut soudain devant eux et ils regagnèrent la campagne. Le bateau fit un léger bond en avant comme le vent reprenait ses droits, et Taliesin put constater qu'ils avaient traversé un petit bois, sans doute un vestige de la Lorien demeuré en arrière. Désormais, le paysage était verdoyant, de collines moutonnantes, parsemés de bosquets, de ruisseaux et d'amas de rochers aux formes fantastiques.
Sur l'heure de midi, le mage revint dans leur direction avec un plat et trois assiettes. Sur chaque assiette se trouvait un pain plat, tiède, tandis que le plat contenait des dés de poisson cru, assaisonnés de diverses herbes et d'huile odorante. Il était temps de... manger à l'elfique.

[Taliesin]

S'il n'était pas franchement féru de poisson cru, il n'avait pas non plus absolument horreur de celui-ci. Et quand bien même : faire le difficile aurait été des plus discourtois. Il remercia donc le mage, souriant, puis souhaita bon appétit aux enfants.
Il espérait que Victor ne referait pas le coup du camp des nomades et qu'il s'abstiendrait de toute remarque : après tout, il était tout à fait possible que les marins comprennent le commun, quoi qu'ils refusent de s'en servir...

[Galathée]

En réalité, le poisson n'était pas complètement cru : il avait cuit dans le jus de citron, ce qui lui donnait un petit goût acidulé, très frais, qui se mariait à la perfection avec les herbes sauvages et les oignons printaniers qu'on y avait mélangé. Il fallait se faire au goût du pain sombre, prononcé, confectionné avec une céréale typiquement au goût des elfes, mais que les humains prisaient peu. Cependant, ni Victor, ni Baptiste ne bronchèrent, et ce dernier sortit son incontournable petit carnet.
" Est-ce que tu connais le nom de cette céréale ? demanda-t-il à Taliesin. Est-ce que tu crois que ça pousserait à la ferme ?"

[Taliesin]

Après lui avoir avoué qu'il n'était pas sûr de lui - après tout, il n'avait pas passé beaucoup de temps auprès d'elfes sylvains -, Taliesin lui fit part de son hypothèse et prit même soin d'épeler le mot. Quant à savoir si cela pousserait chez eux... La chose ne lui semblait pas impossible.
Prenant les devants, il lui nomma également ce qu'il reconnaissait des herbes. Puis, tout en mangeant avec appétit, il se remit à observer le paysage, regrettant presque qu'ils ne puissent s'y promener à loisir. Mais cela, ce serait pour le chemin du retour.

[Galathée]

Baptiste nota tout ce qu'il put consciencieusement, puis ouvrit un livre et passa l'après-midi plongé dans sa lecture. Victor commença à arpenter le pont, prudemment, sans rien faire d'inconsidéré, mais rester assis toute la journée était au-delà de ses forces, surtout avec un tel espace à disposition. En milieu d'après-midi, le capitaine abandonna le gouvernail au quartier-maître et disparut dans sa cabine. Il reparut au moment où le ciel s'assombrissait. Une dizaine de minutes plus tard, l'Ecureuil se rangeait le long des berges de la Sylvestre et les matelots larguaient les amarres, se servant du tronc de deux gros arbres pour arrimer le navire. Voronwë vint à la rencontre de Taliesin.
" Si vous voulez vous dégourdir les jambes, c'est le moment. Ne vous éloignez pas trop. La région est... incertaine, comme vous le savez. La plupart du temps, il ne s'y passe rien, mais quand il se passe quelque chose, c'est souvent spectaculaire."
On avait installé la passerelle et Nremyn était descendu à terre, sur une berge herbeuse parsemée de petits petits arbres fleuris.

[Taliesin]

Il opina du chef.
-Merci pour vos conseils. Nous ne nous éloignerons pas et nous serons prudents.
Sur un sourire, il héla les garçons : tous deux avaient bien mérité de se dépenser. Il leur répéterait les consignes de sécurité puis les mènerait à terre. Lui-même était ravi de cette halte fort bienvenue.

[Galathée]

A terre, le quartier-maître avait commencé à construire un feu sur les vestiges d'un autre, plus ancien. Le mage s'était éloigné le long de la berge, en bon promeneur. Voronwë descendit dans l'ombre de Taliesin et des enfants. Ceux-ci prirent aussitôt leurs distances. Le cours de la rivière demeurait large et agité, s'y baigner paraissait dangereux, aussi s'écartèrent-ils de la Sylvestre en traversant les taillis qui la bordaient. Ils débouchèrent rapidement en contrebas d'une colline auréolée par le soleil de fin de journée. Des oiseaux s'envolèrent à leur approche.
" Je parie que la vue est géniale, de là-haut." dit Victor en entreprenant aussitôt de grimper.
Baptiste parut plus incertain.
" Qu'est-ce que ça veut dire, "ne pas trop s'éloigner" ?" demanda-t-il.

[Taliesin]

-Victor, attends.
Il examina la colline, évaluant sa taille, le temps qu'il faudrait pour la gravir...
-Je crains que le capitaine ne nous juge imprudents, s'il nous voit nous ruer la haut, reprit-il. Peut-être vaut-il mieux... Ne vraiment pas s'éloigner.

[Galathée]

" Mais enfin... C'est pas si loin ! s'exclama Victor. Ça prendra pas une heure pour l'escalader ! On sera de retour avant la nuit !"
Baptiste s'était penché et il se redressa avec une plume noire grande comme son avant-bras.
" Je me demande quel genre d'oiseau à des plumes aussi gigantesques..."

[Taliesin]

-Je ne sais pas non plus.
Il pouvait s'agir d'une plume d'oiseau... ou de monstre. Un griffon, par exemple. En tout cas, c'était une raison pour rester dans les abords immédiats du navire.
-Et je suis désolé, Victor, mais le sommet de cette colline est trop éloigné. En plus, je suis certain qu'il y a de chouettes coins à deux pas.

[Galathée]

Le gamin grommela mais obéit au barde, et ils se promenèrent finalement aux alentours de la rivière, dans les hautes herbes et les fleurs. Victor trouva un arbre à escalader, Baptiste l'accompagna dans les branchages, et ils improvisèrent rapidement une petite aventure de Géralt de Berge. Il semblait désormais établi que Victor jouait le rôle du chasseur de monstres, tandis que Baptiste changeait régulièrement de rôle, adoptant une identité masculine comme féminine selon les besoins de l'intrigue.
Des grenouilles commencèrent à coasser quelque part vers la rivière. Taliesin entendit le crépitement du feu que les elfes avaient allumé, et perçut le murmure de leurs conversations, sans parvenir à les décrypter. Un oiseau cria quelque part dans les branches d'un arbre voisin. Le ciel avait pris des couleurs fantasmagoriques.

[Taliesin]

-Les gars, encore cinq minutes et on rentre. Il serait malvenu de faire attendre nos hôtes, lança-t-il aux enfants.
En réalité, les elfes étaient peut-être ravis de pouvoir discuter entre eux... Bah, il lui suffirait de jeter un regard à la petite troupe assemblée autour du feu pour s'en rendre compte.
En attendant, il ne se priva pas d'observer le splendide crépuscule.

[Galathée]

Quand ils rejoignirent les abords du feu, Taliesin et les enfants y trouvèrent leur place. Un tronc renversé, dégagé, semblait les attendre et ils s'installèrent près de la flambée. Deux oiseaux y rôtissaient, dégageant une odeur alléchante à mesure que leur graisse fondait. C'étaient de beaux canards, sans doute tirés sur la rivière. Ils furent bientôt découpés, servis avec des légumes braisés et des tubercules cuits sous la cendre. Taliesin vit que Baptiste brûlait de sortir son petit carnet mais n'osait pas, intimidé par le silence de leurs hôtes. Les deux plus jeunes elfes remontèrent à bord de la barge dès qu'ils eurent terminé de manger. Le quartier-maître rassembla les assiettes et les restes, sans doute pour empaqueter ce qui pouvait resservir. Le capitaine resta immobile, observant le feu en silence. Le mage, lui, semblait désireux de faire conversation.
" Avez-vous l'intention de vous établir dans la Vallée Fertile ?" demanda-t-il.

[Taliesin]

Il secoua la tête.
-Non. Nous vivons près de Luménis, où nous attendent mon épouse et les deux petits derniers, des jumeaux qui ne savent pas encore marcher... Je vais dans la vallée pour mon travail : on m'a demandé d'y examiner des ruines récemment découvertes.
Le capitaine étant au courant, il ne voyait pas de raison de ne pas en parler au mage.

[Galathée]

" Il y a beaucoup de ruines dans la Vallée du Nirvana, de manière générale, dit Nremyn, pensif.Celle-là doit être particulièrement intéressante pour qu'on ait fait appel à quelqu'un de Luménis."
Il dévisagea une seconde le barde.
" Puis-je m'enquérir de l'identité de votre... employeur ?"

[Taliesin]

-Il s'agit d'un ami, d'un clerc de Milil du temple d'Eredhun. Il voudrait à tout prix que je reprenne mes activités de barde, que les circonstances m'ont longtemps obligé à mettre de côté. Il aimerait, aussi, que je ne me sédentarise pas trop, que je renoue avec mes voyages d'antan. Par conséquent, je ne suis pas du tout certain que ces ruines aient quoi que ce soit d'extraordianire : il peut plutôt s'agir... d'un prétexte, si vous voyez ce que je veux dire.
C'était tout à fait plausible. Et même si ce n'était pas le cas, cela éviterait que le mage ne s'offusque que l'on se penche de trop près sur d'importantes ruines dont tout laissait à penser qu'elles étaient elfiques.

[Galathée]

Nremyn sourit.
" Je vois parfaitement, oui. Mais vous trouverez sans doute quelque chose. La Vallée Fertile, avant d'être humaine, abritait un palais appartenant au mage Edraithon le Protecteur. Mais il a été détruit il y a...
— Au moins trois cent ans, intervint le capitaine.
— Par une explosion magique, provoquée par Edraithon lui-même."
Voronwë acquiesça.
" La zone a été... très instable pendant longtemps. Plus personne n'y vivait...
— Puis les humains sont arrivés et ont assaini la terre à l'aide de sortilèges.
— Leur communauté a une centaine d'années, je dirais.
— Un peu moins."

[Taliesin]

Il sourit à son tour.
-C'est intéressant et pour être franc, cela pique ma curiosité. Néanmoins...
Il désigna les enfants.
-Mon ami lui-même a suggéré que les garçons m'accompagnent. Or, il ne l'aurait pas fait s'il y avait eu des risques pour eux. Des risques sortant de l'ordinaire, du moins.
En tout cas, il l'espérait.

[Galathée]

Le mage pinça les lèvres puis sourit dans un haussement d'épaules.
" Votre ami s'est-il rendu dans la Vallée lui-même, ou se base-t-il sur des récits ? Les mystères de cette région ne se donnent pas toujours à voir au premier coup d'oeil.
— Et se donnent rarement à voir aux humains." ajouta Voronwë en se levant.
Il les salua laconiquement et remonta à bord de l'Ecureuil. A côté de Taliesin, Victor bâillait. Baptiste, lui, semblait perdu dans sa contemplation du feu.

[Taliesin]

-Nous avons vécu plusieurs mois à l'orée de la Lorien, il y a deux ans. Il ne s'est rien produit d'exceptionnel... Mais nous étions probablement dans un secteur particulièrement tranquille, et j'ai bien l'intention d'être vigilant.
Il n'allait pas tarder à emmener les enfants se coucher. Et à leur raconter une histoire, s'ils le souhaitaient. Néanmoins, il n'avait pas envie d'abandonner le mage séance tenante...