[Quête] Sur la Sylvestre...

[Galathée]

" Mais nous on veut une ode.
— Une belle.
— Magnifique.
— Sinon, on vous garde."
Victor leva les yeux et son sourire se fit ravi.
" Veux-tu vraiment prendre le risque que JE leur chante quelque chose ?"

[Taliesin]

Il lui rendit un sourire identique.
-Je n'ai pas envie de prendre le risque mais je vais le faire quand même. Chante leur quelque chose, toi qui a envie de devenir barde. Et... Applique-toi.
Non mais : hors de question qu'il s'en tirent comme ça. Sinon, cela l'encouragerait à n'en faire encore plus qu'à sa tête.

[Galathée]

" J'ai jamais dit que je voulais devenir un barde chanteur. Je veux devenir... un barde peintre. Il y en a un super connu à Antelucas. Mais j'ai oublié son nom."
Son sourire s'élargit.
" Mais tu l'auras voulu. Protège-toi des glands."
Il se mit dans le cercle de lumière.
" Aaaaaaaaah les dryaaaaaades !
Qu'on croise sur la promenaaaaaaade !
Elles ont toujours un joli minois !
Et je leur dis, venez avec moi !
Mesdaaaaaaaames !
Votre chaaaaaaarme !
Rendrait le paladin le plus coincé tout choooooose !"
C'était manifestement une chanson grivoise... et quelque chose disait à Taliesin qu'elle allait se corser...

[Taliesin]

Il lui posa vivement une main sur la bouche, pour le réduire au silence, et se pencha pour lui souffler à l'oreille :
-Toi, mon gaillard, j'aurais deux mots à te dire quand on sera sortis d'ici.
Puis il se redressa et déclara, à voix haute cette fois :
-Mesdames, je vous prie humblement de bien vouloir excuser mon fils, qui ne réalise pas ce qu'il fait. Si vous le souhaitez toujours, je puis vous chanter une ode et, si vous avez une préférence... je me ferai un plaisir de vous satisfaire.

[Galathée]

" Oh allez ! C'était drôle ! s'exclama une voix dans les hauteurs.
— Je suis curieuse de savoir ce qu'il va lui arriver, au paladin.
— Hihihi ! La suite ! La suite !"
Victor sourit.
" Bon, je continue, alors. Tu peux boucher tes oreilles, si tu as trop peur. Mais tu vois, je t'avais prévenu... Je suis un humain et nous avons... nos particularités."

[Taliesin]

Il leva les yeux au ciel.
-Victor, j'ai connu des centaines, des milliers d'humains, et j'en connaissais déjà avant que le grand-père de ton grand-père ne soit né. Et permets-moi de te dire que tous, non, ne chantent pas ce genre de chansons... si tôt.
Il soupira.
-Mais si tel est le bon plaisir des maîtresses de ces lieux... Continue.

[Galathée]

Victor allait commencer à chanter lorsque les branches de deux des chênes se soulevèrent, ouvrant un passage clair et aisé vers la campagne environnante. Victor parut surpris, presque déçu.
" Allez, filez !" s'exclama une des voix, légèrement irritée.
Le gamin obtempéra immédiatement, détalant dans les feuilles mortes. Au dehors... il faisait presque nuit. Baptiste courut vers eux quand il les vit émerger des branchages. Il était accompagné de Nremyn et du capitaine Voronwë.
" Je retire ce que j'ai dit : il faudra plus de trois jours." dit simplement le capitaine avec une grimace.

[Taliesin]

-Je suis désolé... fit-il, abasourdi par le temps qui s'était écoulé. J'ai pourtant été précautionneux mais... Disons que certains n'en font qu'à leur tête.
Il jeta un regard en direction de Victor.
-Je vous dédommagerai pour le retard. Et, s'il vous plait... S'il y a des corvées bien pénibles à effectuer à votre bord... Réservez-les à Victor.
Celui-là ne s'en tirerait pas à si bon comtpe, oh non.

[Galathée]

" Je n'y manquerai pas." dit Voronwë avant de faire volte-face.
Baptiste se jeta dans les bras du barde et l'étreignit avec force.
" J'ai eu si peur... Vous aviez disparu... Aucune trace... Et je ne sais pas parler l'elfique..."
Il frissonna.
" Heureusement qu'ils le comprennent... et qu'ils ont bien voulu m'aider..."
Le mage s'était déplacé jusqu'aux chênes et parlait à voix basse, la main sur l'une des branches. Victor, lui, observait le bosquet, la mine légèrement inquiète.

[Taliesin]

Il serra Baptiste contre lui.
-Je suis désolé, mon grand. Il n'était pas du tout prévu que les choses se passent comme ça...
Il soupira. Désolé, il l'était assurément. Et furieux, aussi.
-Est-ce que tu veux bien m'accompagner jusqu'au bosquet ? Je voudrais remercier les dryades de ne pas nous avoir gardés... encore plus longtemps.

[Galathée]

Baptiste lui prit la main et avança vers les arbres avec lui, manifestement un peu inquiet. Mais alors qu'ils allaient les atteindre, Nremyn leva une main pour les empêcher d'avancer. Il murmura encore quelques mots et recula d'un pas. Les branches basses sur sa droite s'écartèrent et trois silhouettes sortirent du bosquet. Leur peau était couleur écorce, leurs cheveux verdoyants tombaient en cascade de feuilles sur leur corps gracile, et elles avaient la mine de jeunes femmes un peu boudeuses, les yeux lumineux. La première avait les yeux verts, la seconde les yeux bruns, la troisième les yeux roux. Elles paraissaient émaner des racines des arbres qui les surplombaient de leurs branches protectrices. L'une d'entre elles gloussa, la seconde sourit à Taliesin, la troisième jeta un regard à Nremyn, qui lui renvoya un froncement de sourcils.
Quand elles parlèrent, elles le firent en commun, comme elles l'avaient fait jusque là.
" Nous devons nous excuser.
— Pour le vilain tour que nous vous avons joué.
— Mais nous voyons si peu de gens... Nous aimons leur compagnie.
— Ils sont drôles.
— Mais nous devons nous excuser.
— Voilà, voilà, désolées."
Gloussantes, elles prirent des mines faussement contrites, manifestement pour faire plaisir au mage elfe.
" Mais vous pourriez revenir...
— J'aimerais connaître la suite de la chanson..."
Elles s'étaient tournées vers Victor, lequel paraissait un peu inquiet.
" Ouste !" grommela Nremyn avec un geste.
Toujours gloussantes, les dryades coururent vers leur bosquet et disparurent.

[Taliesin]

Il renonça à les remercier : cela n'aurait pas exactement collé avec la démarche que venait de réussir Nremyn.
Et puis, tout bien réfléchi, sans doute ne les avaient-elles relâché si "tôt" qu'à cause de l'arrivée des elfes.
-Cela n'efface bien sûr pas ce qui c'est passé mais... au moins auras-tu pu voir des dryades, murmura-t-il à Baptiste d'un ton réconfortant.
Mais, du moins dans l'immédiat, il avait l'impression que cette rencontre ne lui ferait ni chaud ni froid.

[Galathée]

Mais Baptiste paraissait sous le charme, la bouche légèrement entrouverte, la main un peu flasque dans la sienne. Nremyn sourit en arrivant à leur hauteur.
" Les humains sont moins bien armés que nous, vous ne devez pas leur en vouloir."
Il leur fit signe de le suivre.
" Hâtons-nous. Je pense que nous allons encore naviguer avant la nuit."
Laquelle était pratiquement tombée, en vérité.

[Taliesin]

Il acquiesça, embarrassé.
Au total, ils avaient perdu tout un après-midi. Pour lui, ce n'était pas bien grave : il n'était pas pressé. Mais pour le capitaine et son équipage, qui avaient probablement des délais à respecter, c'était beaucoup plus ennuyeux.
Bon sang, pourquoi Victor était-il à ce point incapable de respecter ses consignes ?

[Galathée]

Ils regagnèrent le bateau assez rapidement, descendant le talus qu'ils avaient escaladé plus tôt, puis remontant la berge jusqu'à la passerelle. Cordélia les attendait sur le pont et leur adressa un large sourire quand ils la rejoignirent. Dès qu'ils furent à bord, les manoeuvres de départ furent entamées.
" Ouf ! J'ai cru que vous aviez décidé de me fausser compagnie et de m'abandonner avec les terribles elfes ! s'exclama-t-elle joyeusement. Mais vous avez rencontré l'aventure, bande de veinards."
L'Ecureuil avait regagné le courant et s'élança à nouveau vers l'amont de la Sylvestre.

[Taliesin]

Il grimaça.
-Cordélia, les elfes ont l'ouïe fine, ils pourraient ne pas apprécier... souffla-t-il.
Puis il sourit.
-Mais oui, nous avons vu les dryades et c'est sans doute une chance, même si j'aurais aimé que les choses se passent autrement.

[Galathée]

La jeune femme baissa la voix.
" Je sais qu'ils m'entendent, c'est fait exprès. Je crois qu'ils aiment bien qu'on les traite de terribles elfes. Franchement, vous pensez que Voronwë voudrait qu'on le considère autrement ?"
Pendant ce temps, Victor s'était assis. Il sortit de sa poche le gland qu'il avait ramassé et le tendit à Baptiste.
" Tiens, c'est pour toi." murmura-t-il, penaud.
Son frère l'observa puis sourit.
" Merci."

[Taliesin]

Taliesin fit comme s'il n'avait rien remarqué. Mais le geste de Victor montrait assez qu'il avait bon cœur et... cela lui faisait plaisir.
Cela ne l'empêcherait pas de le punir, toutefois : aussi gentil soit-il, le garçon devait apprendre à ne plus se comporter en tête brûlée.
-Vous avez sans doute raison, dit-il à Cordélia. Mais du coup, je vais sans doute éviter de trop les remercier pour avoir soutenu Baptiste, participé aux recherches et... attendu de nous avoir retrouvés pour partir. Parce que ça, ce n'était pas terrible, c'était extrêmement bienveillant.

[Galathée]

Baptiste leva les yeux du gland, qu'il tenait au creux de ses paumes.
" Ils savaient ce qui s'était passé. Nremyn, il n'était pas surpris. Mais les dryades, elles avaient caché leur bosquet. Ça lui a pris un certain temps pour lever l'illusion, puis pour les obliger à vous relâcher. Moi je suis resté à côté."
Il sourit.
" Et maintenant, je sais que Uuma dela signifie ne t'en fais pas."

[Taliesin]

Il sourit.
-Et en plus, tu prononces plutôt bien... Tu auras fait de sacrés progrès, lorsque nous rentrerons à la maison.
C'était vrai, même s'il lui resterait beaucoup de travail, évidemment.
-Bon, mais il faudra que je pense à remercier Nremyn, on lui doit une fière chandelle.

[Galathée]

Baptiste sourit.
" Je n'ai pas l'intention d'en rester là, dit-il. Je pense que j'ai identifié pas mal d'autres expressions, rien qu'à les écouter... Je crois que le mieux, pour apprendre une langue, c'est finalement d'être avec des gens qui ne parlent pas la tienne... Ça t'oblige à comprendre dans le contexte. Le capitaine n'a pas la patience mais Nremyn, si."
Il regarda à nouveau son gland, puis le glissa dans sa poche.
" J'aurais besoin d'une besace."

[Taliesin]

Il acquiesça.
-Je pense qu'on pourra t'en trouver une à Rivelfe ou à Champsdor...
Du moins, si le prix du trajet et la compensation pour le retard causé par Victor ne vidaient pas complètement leurs réserves pécuniaires... De cela, cependant, il ne porurait pas juger avant le lendemain.

[Galathée]

Victor était fatigué et il descendit sous le pont pour se reposer. Baptiste, de son côté, manquait désormais de lumière pour lire ou écrire, et il préféra observer les berges qui défilaient autour d'eux, l'air rêveur. Cordélia avait trouvé une branche à son goût dont elle essayait manifestement de faire un arc. Les elfes vaquaient à leur occupation, mais une odeur délicate flottait dans l'air, signe que le repas serait bientôt servi...

[Taliesin]

Son estomac ne demeura pas insensible face à l'agréable fumet.
Il attendit que le repas soit servi en observant lui aussi le paysage... et en songeant à la suite de leur voyage.
Il aurait intérêt à se montrer beaucoup plus prudent, à ne pas embarquer Victor pour quoi que ce soit pouvant dégénérer ou entraîner des complications; C'était dommage mais face à une telle tête de mule, mieux valait prévenir que guérir.

[Galathée]

Le repas fut servi un peu plus tard. Gaelin apporta leurs bols à Taliesin, Cordélia et Baptiste. Victor remonta sur le pont et à sa mine chiffonnée, Taliesin devina qu'il s'était endormi. Il faisait désormais nuit. Les elfes naviguaient dans le noir, sous la voûte étoilée, mais le quartier-maître avait apporté une lampe à huile pour les humains. Le dîner consistait en une soupe épaisse, aux légumes et au canard, avec d'étranges filaments blancs, manifestement confectionnés avec une céréale non identifiée. C'était goûteux, Baptiste était ravi, mais la fatigue marquait désormais les traits des deux enfants. Cordélia, par contre, paraissait en pleine forme.

[Taliesin]

L'elfe ne tarda pas à dire aux garçons qu'il était l'heure d'aller au lit, les accompagna dans la cale et en profita pour récupérer sa pipe et sa tabatière. Il regagna ensuite le pont et, accoudé au bastingage, à l'écart de l'équipage, il fuma paisiblement - cela ne lui avait pas été interdit mais il préférait ne pas incommoder les autres.
Il ne ferait pas de vieux os mais avait besoin de se détendre un peu avant de s'endormir.

[Galathée]

Personne ne vint l'importuner et il put profiter un moment de la quiétude de la nuit, du chant des grenouilles, du cri des chouettes, du bruissement de l'eau et du vent dans les branches, sans craindre qu'une nuée de gobelins en surgisse. Une fois, il aperçut des yeux brillants dans la pénombre, la silhouette d'un animal qui ressemblait à un grand félin, une autre fois il devina un cercle de torches sur la berge, à une dizaine de toises du bord de l'eau. L'Ecureuil continuait à filer. Puis il ralentit, les amarres furent lancées et la barge s'immobilisa dans le courant, pas complètement contre la rive, cependant, comme si les elfes voulaient s'assurer de ne pas inviter d'indésirables à bord.

[Taliesin]

Il choisit ce moment pour aller se coucher, n'oubliant pas, cependant, de souhaiter la bonne nuit à Cordélia et aux membres de l'équipage qu'il croisa. Désormais plus calme, il avait le sentiment qu'il sombrerait sans la moindre difficulté.
Et le lendemain verrait ce qui serait probablement leur ultime journée de navigation sur la Sylvestre. Ensuite, ils débarqueront pour de bons et débuteraient leur périple pédestre dans la vallée du Nirvana.

[Galathée]

Quand il s'éveilla, le lendemain, l'Ecureuil était à nouveau en mouvement. Une fois n'est pas coutume, Victor dormait encore, mais il n'y avait pas traces de Baptiste. Les elfes, bien sûr, étaient probablement à pied d'oeuvre depuis plusieurs heures.
Le barde retrouva Cordélia et Baptiste sur le pont : ils avaient étalé une couverture vers la proue et triaient des plantes. Nremyn, assis un peu plus loin, les observait à demi, tout en compulsant un ouvrage.
L'Ecureuil filait bon train sur la rivière qui paraissait un peu plus tranquille mais aussi un peu moins large que d'ordinaire.

[Taliesin]

Il salua ses compagnons et entreprit de se servir à manger.
Il se sentait de bonne humeur mais... il n'entendait pas, pour autant, passer l'éponge sur ce qui s'était produit la veille. Aussi ne tarderait-il guère à réveiller Victor pour que celui-ci se mette au service du capitaine et effectue toutes les corvées qu'il voudrait bien lui confier. ce serait la moindre des choses, compte tenu du retard qu'il leur avait causé. Et puis, qui sait, en étant extrêmement optimiste, on pouvait se dire que ça lui servirait de leçon...