[Quête] Du rouge sur du bleu

[Agifem]

Huit longues années. Maintenant qu'il y repensait, Kardo se disait que ça avait été une éternité, mais ça en valait vraiment la peine. Huit années passées à piller les tombeaux dans le désert, à fouiller les nécropoles, à voyager par bateau, chameau, cheval et même à pied pour trouver les trois joyaux, sublimes chefs d'oeuvre, parfaits compléments de l'Amulette de Skelos, le dragon-sorcier. Huit années pour rassembler les éléments qui rendront à l'amulette tout son pouvoir, le pouvoir sur le temps, l'amulette d'Immortalité !
A présent, le rituel était prêt, et ce moment qu'il avait tant attendu allait se réaliser, il allait devenir Immortel. Les mages derrière lui, qu'il avait payé une fortune pour qu'ils fassent leur office, chantaient l'invocation qui préparait l'atmosphère de régénération de l'artefact. L'eau de la Source, prélevée le matin d'une éclipse, avait le pouvoir de rassembler les éléments de l'amulette. Et le sacrifice était prêt, un jeune elfe, dont le sang frais permettrait de redonner la force perdue de l'objet.

Le rituel commença sans histoire, malgré l'excitation que Kardo éprouvait avec chacun de ses gestes. Une appréhension tenace persistait en lui, lui rappellant le prix de l'échec, mais ses gestes restaient assurés, et tout se déroulait parfaitement, conformément à ce qui était prévu. Il était un mage puissant, et savait que jamais il ne devait perdre le contrôle, aussi la domination de sa peur avait été une grande part de son entrainement de mage dans sa jeunesse.
Le rituel touchait à sa fin, l'amulette luit de puissance quand il la trempa dans l'eau de Source, les joyaux brillant de mille feux au contact du liquide. Il reposa doucement l'objet de ses désirs, ainsi que la coupe d'eau, et tira sa dague sacrificel. Il la leva bien haut, invocant les mots ancestraux, la dague à la verticale du coeur, quand son oeil fut attiré par un léger mouvement sur sa droite.
Il tourna légèrement la tête, essayant de ne pas perdre le contrôle du rituel tandis qu'il observait ce qui avait bougé à côté de lui.
C'était une créature bleue, d'environ un mètre, applatie sur la table pour plus de discrétion (quoique son pelage ne l'aidait pas dans sa tâche), et qui était tranquillement en train d'avaler l'amulette. La chaîne qui permettait de faire pendre l'artefact au cou de son propriétaire disparaissait rapidement dans la bouche de la créature, l'objet devant déjà être dans son estomac. Pour une raison inconnue, la bête avait cru l'objet comestible, et malgré sa dentition, avait été incapable de le macher. Elle s'était alors résolue à l'avaler.
Malgré toutes ses années d'entrainement, Kardo ne résista pas à la colère qui le gagna, et abbatit sa dague à l'emplacement de la tête de la bête. Si notre bleu protagoniste n'était pas le plus rusé des voleurs ni le plus distingué des critiques culinaires, il n'en reste pas moins qu'il était muni d'un remarquable instinct de survie, et prit immédiatement la fuite et le chemin de la sortie. Armé de son zeugma et de ses reflexes animaux (ainsi que d'une bonne dose de chance, il faut bien le dire), il parvint à esquiver plusieurs sortilèges mortifères, flèches de feu et autres joyeusetés magiques lancées à la hâte par les magiciens exhortées en cela par leur employeur, mais reçu plusieurs projectiles magiques, ce qui le fit émettre un gémissement de douleur tandis qu'il atteignait la sortie. Pour lui rendre justice, il faut dire qu'il n'y avait que trois mètres entre la table sacrificielle et la sortie disposées derrière celle-ci, et donc qu'il ne s'agissait pas d'un exploit athlétique que d'avoir atteint l'extérieur avec une telle diligence.
La bête émit un grognement rageur lorsqu'un autre projectile magique l'atteignit, et filla entre les jambes des passants, lesquels semblaient eux aussi occupés à fuir la scène, habitués qu'ils étaient des boules de feu lâchées dans la foule.
Kardo jaillit de la tente, et poussa un puissant cri de rage. Puis il restaura doucement son calme.
-Son poids en or à celui qui me ramènera cette créature, morte ou vive ! Hurla-t-il à l'adresse des quelques mages qui restaient encore là. Il faut préciser que la tradition melandienne voulait que lorsqu'on parle du poids en or d'une personne, ce poids était mesuré quand la personne était montée sur un éléphant de guerre, officiellement pour des affaires de prestige. La plupart des mages parurent intéressés, et se dispersèrent rapidement. La traque avait commencé.