[Lieu] Une rue commerçante

[Folken]

Une odeur de sang empestait les rues du quartier. L'atmosphère qui règnait à Mélandis en ces temps troublés de révolte paraissait surréaliste aux deux manostiens. Il régnait une sorte de faux calme, ou plutôt la peur ambiante avait pris le pas sur le chaos, forçant les marchands "de bonnes moeurs" à se terrer chez eux, attendant dans l'angoisse que le conseil remette de l'ordre, avec la peur qu'une horde d'insurgés ne débarquent chez eux pour les éventrer, comme ils l'avaient déjà fait à plusieurs reprises... Au loin quelques cris, provenant des champs de batailles venaient perturber le silence environnant, s'ajoutant à une odeur de charnier qui semblait désormais imprégner les deux manostiens qui erraient dans les rues à la recherche du chancelier Mornagest.

Il fallait dire que les indications données par le garde dans l'antichambre du conseil, étaient tout sauf de bon conseil. Aller trouver le chancelier qu'ils n'avaient jamais vu, dans ce bourbier, en évitant les esclaves insurgés et en évitant aussi d'être pris pour des insurgés par les soldats... dans une ville qu'ils ne connaissaient pas. Jamais ils n'auraient imaginé se retrouver empêtrés dans une telle galère au départ de leurs enquêtes respective.

Alors qu'ils rativoisaient méthodiquement les ruelles en essayant de se rapprocher au plus près d'une garnison de soldats dans le but d'y trouver des indications, la paladine ne pouvait s'empêcher de ressasser la puissante impression de mal qui avait monter lors des affrontements aux portes d'Aghoralis. Si la situation venait à dégénérer ici, et le contexte s'y prêtait bien : ce serait une catastrophe dont elle ne pourrait sans doute pas réchapper et donc les conséquences dépasseraient de loin sa petite condition de cadavre en décomposition en devenir. Ses coups d'oeils inquiets en direction de Morgon se multipliaient donc... Consciente qu'elle risquait de paraître angoissée, Dame Lise décida de rompre le silence par une banalité, histoire d'essayer de masquer ses inquiétudes :

- j'espère qu'on ne fera pas de mauvaises rencontres...

[Mornagest]

Comme pour corroborer ses inquiétudes, un cri aigu et puissant se fit soudain entendre, non loin d'eux. Ils ne pouvaient déterminer d'où il venait, ni qui - ou quoi - avait pu émettre ce son strident, désagréable, et très inquiétant. Il laissait imaginer des scènes de torture, de meurtre, de viol... toutes ces choses que l'on pouvait facilement rencontrer en ces temps troublés, à Melandis.

Suant à grosses gouttes, les deux manostiens ne savaient quelle direction prendre. Ils inspectaient les environs, à la recherche d'une trace de vie, d'un signe. Mais la rue semblait aussi déserte de vie, qu'emplie de cadavres des deux camps en pleine lutte.

Alors qu'ils allaient marcher plus avant sur les pavés noircis de sang séché, quelque chose s'effondra de nulle part, sur Morgon. Il grogna sourdement, surpris, tandis que la paladine sursauta, et retint un cri de stupeur. L'instant d'après, elle sortit sa lame et tenta d'attaquer l'assaillant... qui se révéla n'être qu'un macchabée, fraîchement égorgé et jeté du toit de la maison qu'ils bordaient.

Le visage couvert du sang du malheureux, Morgon se releva, et regarda vers les toits. Pas âme qui vive, là non plus... Le danger pouvait fort bien venir de n'importe où, même - et surtout - en dehors de la bataille.

Il ne leur restait plus qu'à avancer, ou à tenter de rattraper le meurtier.

[Morgon]

Morgon essuya d'un air dégoûté les gouttes de sang qui avaient échoué sur lui. Foutue ville, comment des gens peuvent-ils bien vivre dans une cité où les cadavres pleuvent comme de l'eau ?

Dame Lise semblait légèrement plus choquée que Morgon, celui-ci annonça son point de vue pour la suite avant qu'elle ne se remette de l'évènement en espérant qu'elle ne trouve rien à y redire.

- Il vaut mieux recevoir des macchabées sur la tête plutôt que des flèches ou des carreaux. On ferait bien d'oublier ça et de continuer, les gens d'ici ne sont que des imbéciles qui s'entretuent sans raison, ce n'est pas notre problème tant que ces assassins ne nous menacent pas. On a plus qu'à espérer que ce corps ne soit pas celui de ce foutu chancelier.
Surveillez quand même les toits au cas où si ça ne vous dérange pas, je ne voudrai pas que notre champion du lancer de cadavre ne décide de changer de projectile... Je garde mon arc à portée de main.

[Folken]

Comment pouvait-on laisser ce cadavre en plan, sans même chercher à rendre justice ? Dame Lise serra les poings, se retenant de partir en chasse de l'assassin. Morgon avait hélas raison. Cette histoire, aussi atroce fût-elle, ne les concernait pas. S'amuser à poursuivre l'auteur de ce méfait ne pouvait que leur attirer des ennuis dont ils ne soupçonnait sans doute pas même la teneur. Reprenant son souffle, la paladine opina alors du chef.

- Oui...il va falloir être prudent... mais le danger ne viendra pas que du ciel hélas... Allons-y.

Les pas de la paladine se firent dès lors moins sûr. Cette chute de cadavre n'était qu'un avertissement sans frais. Au moins, ils étaient prévenus... Visiblement, ils n'étaient pas dans le bon quartier : pas une ombre de garde ne semblait traîner ses plaques dans le coin. Dame Lise prit alors le parti d'essayer de rejoindre l'origine des bruits de bataille par les grands axes, craignant le guet-appens dans les ruelles trop étroites.

[Mornagest]

Les rues étaient calmes. Trop calmes. La bataille avait eu lieu en partie ici, à en juger par les débris jonchant le sol, et le sang séché sur les pavés. Les cadavres, quant à eux, avaient déjà disparu. Sans doute, les autorités avaient ordonné leur enfouissement rapide, afin d'éviter la propagation des maladies ? On voyait, ça et là, des traces de chaux, signe évident d'un traitement visant à se protéger des pandémies.

Au loin, un murmure se faisait entendre. Le combat se situait ailleurs, en fait, à une dizaine de minutes à pied seulement de leur position, plus avant vers les Bas-Quartiers. Mais les ruelles étroites absorbaient les sons, les empêchant de se répercuter de façon distincte.

Ils décidèrent, muettement, de se diriger vers la rumeur, sachant qu'ils y verraient probablement les pires horreurs qu'ils aient l'occasion de contempler durant le reste de leur existence...

Un petit quart d'heure plus tard - ils progressaient lentement, craignant une embuscade - le duo aperçut une escarmouche entre des gardes aux insignes mélandiens, et un groupe de rebelles en haillons, armés de bâtons ou parfois, combattant même à mains nues. Les gardes semblaient avoir le dessus, mais les rebelles étaient plus nombreux. L'issue du combat était incertaine, encore.

[Morgon]

Cette fois, Morgon ne savait vraiment pas quoi faire... Il assistait à un combat opposant deux ennemis différents. Il avait une bonne raison d'aider les gardes : ils savent certainement où trouver le chancelier. Mais était-il juste d'aider des ennemis à combattre des gens dont il ne savait rien ? Il pouvait aussi laisser les deux camps s'entretuer, mais cela ralentirait la recherche du chancelier, et ce serait encore plus odieux que de massacrer l'un des deux camps... Alors qu'il réfléchissait à ça, le combat continuait, et sa migraine se fit d'un coup plus forte. Il vit Dame Lise faire un geste brusque, et Morgon eût peur qu'elle ne s'attaque à l'un des deux camps. Il cria presque, d'un air un peu affolé.


- Attendez ! Nous n'avons rien à faire dans ce combat, je vous prie d'essayer d'enlever un garde lorsque ce sera le moment, en attendant, faites moi juste confiance et n'attaquez pas !

Morgon regretta de ne plus avoir de sort de toile d'araignée en mémoire, mais il pouvait se débrouiller sans, même si c'était hasardeux...


Morgon ---> Amitié----> Morgon

Et encore une fois, le jeune homme acquit l'apparence radieuse d'un combattant fier et sûr de lui, dégageant un charme sans pareil.

Morgon ---> Ténèbres ---> coeur de la bataille.


La lumière cessa d'éclairer une zone au milieu du champ de bataille, ce qui provoqua un long moment d'hésitation où le combat fût suspendu, les combattants pris dans la zone de non-lumière tentant de la fuir. Les mélandiens les plus rapides à la détente comprenaient déjà que Morgon cherchait à semer le trouble dans la bataille, mais lorsqu'ils essayaient de comprendre pourquoi, ils ressentaient un sentiment de confiance envers Morgon, comme s'il agissait pour les aider, et par conséquent ils ne l'attaquaient pas.

Alors que le combat était presque au point mort, et que les combattants couraient affolés pour tenter de rassembler les camps, et recommencer à se battre loin de la zone d'obscurité, Morgon ramassa une pierre et l'envoya sur le casque d'un garde mélandien que ses alliés ne pouvaient pas voir, car il se situait du mauvais côté de la zone d'ombre. Celui-ci eût l'air surpris en voyant son charismatique agresseur, mais il s'approcha doucement de lui, épée en main. Morgon se contenta de s'enfuir dans une ruelle voisine.

Dame Lise, qui avait assisté à toute la scène, comprit que Morgon ne voulait que faire en sorte d'attirer le garde. Elle ne savait pas encore si ce plan lui plaisait, mais la situation était trop urgente pour riposter, et si elle ne faisait rien, Morgon allait devoir se battre épée en main contre un garde, ce qu'il fallait à tout prix éviter. Ce n'était pas vraiment le rôle de deux envoyés Manostiens d'abattre un garde de Mélandis...

Elle suivit le garde sur une dizaine de pas, lorsqu'il la remarqua, il était encerclé : Morgon avait fait demi-tour, et avait sorti son épée. Il fût rapidement maîtrisé et emmené un peu plus loin. Sur le champ de bataille, les combattants étaient trop occupés à survivre et à tuer l'ennemi pour se soucier de cette étrange capture. Ils n'avaient en plus pas très envie de s'attaquer à Morgon, lui qui montrait tant de confiance et de charme...

Morgon, toujours sous l'effet de son sort d'amitié, fît taire d'une menace le garde qui hurlait comme un fou furieux, puis s'adressa à Dame Lise.

- Merci de m'avoir fait confiance ... Je pensais vraiment que nous n'avions aucun allié dans ce combat, il aurait été immoral d'aider au massacre de ces rebelles, nous ne savons rien de leurs motivations... Cela nous aurait aidé à retrouver le chancelier, mais je n'aime pas l'idée d'entrer dans un combat qui n'est pas le mien et d'assassiner des inconnus, aussi maléfiques soient ils, avec pour seul but d'accomplir plus facilement ma mission.

Mais maintenant qu'il n'est plus occupé à se battre, peut être que notre ami pourra nous aider à retrouver le chancelier, qu'en pensez vous ? Il doit bien savoir où il se cache, et si ce n'est pas le cas, je suis sûr qu'il fera un excellent guide ici

[Mornagest]

Le garde se débattait comme un beau diable, lâchant des jurons à l'encontre de ses ravisseurs. Il avait entendu Morgon parler de retrouver le Chancelier, et cela ne lui plaisait guère, comme il leur fit comprendre :

"Vous pouvez toujours crever, sales rats", dit-il d'un ton monocorde, un peu inquiétant. Ses yeux fixaient Morgon avec une pointe de haine ; nul doute qu'il avait envie de l'étriper pour ce qu'il envisageait de faire.

[Folken]

Dame Lise modéra un peu les propos de son compagnon.

- Vous avoir fait confiance ? Disons que vous ne m'en avez pas vraiment laisser le choix. Cependant, je dois admettre que c'était plutôt bien vu.

Tournant ses yeux vers le garde au regard méprisant, elle reprit dans un sourire :

- Par contre, vous auriez pu choisir un garde un peu plus coopératif, celui-ci a vraiment mauvais genre.

Attrapant, une dague qu'elle cachait dans sa botte, la jeune fille pointa directement cette dernière sur les bijoux de famille de leur prisonnier.

- Dis donc mon grand... je suppose que tu dois être du genre à aimer la bonne chair ? pas vrai ? Si tu veux encore pouvoir abuser de ta situation de garde pour t'offrir les charmes d'une jeune fille... je te conseille de te montrer un peu plus conciliant... sinon la garnison de Mélandis risque d'avoir un nouveau sujet favori de colibets...

Pour le coup, la paladine avait retrouver ce regard et ce ton tranchant qui avait surpris le lieutenant Bonkhi à Aghoralis. Mais ce qui surprenait plus encore Morgon, était la méthode employée par la jeune fille, pas très digne d'un paladin, pensait-il... mais d'apparence si persuasif...

- Et ne t'inquiètes pas, il ne s'agit pas d'un complot... alors décide-toi vite.... je n'aime pas perdre mon temps.

[Mornagest]

Le garde grogna un juron incompréhensible, mais cessa de se débattre. Il n'avait guère envie de se blesser par accident, surtout avec cette mégère qui le menaçait... et semblait sérieuse.

Il secoua la tête et darda un regard acide aux manostiens, bien qu'il ignorât qu'il en s'agissait bien. S'il l'avait su, sans doute n'aurait-il pas cru les menaces de la paladine...

"Le Chancelier ? J'sais pas trop où y s'trouve. En c'moment, c'est le bordel, ici, et ça fait depuis hier que j'ai pas eu de nouvelles du haut commandement. Mais je sais qu'ils devaient percer une brêche vers les Bas-Quartiers. Genre à partir de la grand-place des marchands. C'est pas loin."

Il marmonna dans sa barbe, puis éructa, en direction de la femme.

[Morgon]

Les nerfs de Morgon le lâchèrent brusquement. Cet imbécile de garde ne pouvait pas arrêter de grommeler ses injures un instant ? Il hurla.

" Mais tu ne peux pas être plus précis espèce de crétin ? Tu sais ce qu'il t'arrivera à toi et à cette foutue ville si on ne trouve pas le chancelier ? On aurait mieux fait de te laisser te faire étriper par cette bande de clochards en guenilles."

Le garde le regarda d'un air hautain, et poussa un soufflement moqueur, histoire de lui montrer qu'il ne lui faisait absolument pas peur. Cela n'eût pas pour effet de plaire à Morgon, qui se retint de lui exploser la tête du plat de son épée. Il y avait mieux à faire.

"Dame Lise, pourriez vous m'aider à faire ingurgiter ceci à notre ami ?"
Il sortit une grande bouteille en verre, remplie d'un liquide jaunâtre.
" Voyez vous ? J'ai l'ai à peine entamée, pourtant ça a suffit à me griser complètement, le goût de ce truc est assez abominable, mais c'est d'une efficacité folle... On ferait bien de lui vider la bouteille dans le gosier."

Le garde se débattit un moment, il tenait bien l'alcool, mais il fût vite complètement assommé. Les deux Manostiens laissèrent le garde à quelques rues du conflit, endormi, complètement beurré, avec de l'alcool sur le menton et dans le cou et une bouteille vide dans la main. Même si par miracle il se souvenait le lendemain de ses ravisseurs, personne ne le croirait, ses récits passeraient pour un délire d'ivrogne, et il sera de plus sans aucun doute jugé pour désertion lorsque ses alliés le retrouveront

La recherche se poursuivit donc, et les Manostiens recherchaient ce passage vers les bas quartiers.

[Mornagest]

Lentement, le trio avançait dans les rues du quartier. Fort heureusement, le gros des combats se déroulait plus loin, et les deux manostiens ne rencontrèrent que des cadavres sur le chemin. Personne ne pourrait venir en aide au soldat...

Ils soutenaient tous deux le garde ivre-mort, qui tendait vaguement le bras pour indiquer une direction, qu'ils espéraient être la bonne. Si cet abruti les perdait en ville, où allaient-ils échouer ?

Ils continuèrent encore un bon quart d'heure, avant d'arriver vers le combat proprement dit, là où se trouvait probablement le Chancelier...