Quête : Guerre des Plaines Brûlantes - les quais de Graëlon

[Lothringen]

Ce jour-là, un vent frisquet soufflait sur le port de Graëlon, où l'on voyait les anneaux déserts s'aligner tristement, dans l'attente, et les chaînes baissées s'entrechoquer en vain. Les criaillements des mouettes, le clapotis des eaux même semblaient aussi mornes que le ciel gris, couvert, où les nuages se succédaient sans trêve entre deux éclaircies. Le port de Graëlon s'était vidé de ses bâtiments et de ses marins, et sur les quais, on ne voyait guère que quelques promeneurs curieux et une poignée de gardes de la cité, qui veillaient à faire repartir les petites embarcations mal renseignées qui venaient périodiquement se faire refouler à l'amarrage.

Il était aisé pourtant d'imaginer, en voyant les vastes dimensions des pontons, quel effervescent port de pêche et de voyage transcontinental était Graëlon en temps ordinaire ; là, près de ces entrepôts, la pêcherie, et là, les étals du marché au poisson. Ici, le poste de contrôle de la garde, où l'on enregistrait les nouveaux immigrants...

Pour l'heure, Graëlon s'était muée en petit port de province oublié, et attendait...

[Dhast]

Le port n'avait pas vraiment changé depuis la matinée. Sitôt l'entrevue avec le conseiller terminée, Brus avait déposé presque toutes ses affaires dans le dortoir puis avait pris le chemin des quais, chemin qui devenait presque familier puisqu'il l'avait déjà emprunté deux ou trois fois depuis le matin. Et le compte ne s'arrêterait sans doute pas là d'ici la fin de la journée. Brus haussa les épaules et se mit en quête d'un point d'observation d'où attendre l'arrivée des trois bateaux. Son choix se porta finalement sur la pointe de l'un des digues qui fermaient le port. De là il aurait une excellente vue sur tout l'horizon, le seul inconvénient était que le vent y soufflait plus fort qu'ailleurs. Le voleur resserra sa veste de cuir autour de son corps frêle, et attendit.

[Kasumi]

En amont de la flotte.
***
Les trois caraques constituant l’avant-garde de la flotte luménienne filaient grand train vers leur destination. Ni les mélandiens, ni les pirates n’avaient donné de signe de vouloir dresser une embuscade aux troupes venant en renfort à l’armée manostienne. Le capitaine Adelas se félicitait que cette partie de sa mission se soit déroulée sans contretemps. Cela lui laissait plus de temps pour exécuter dans de bonnes conditions le reste de ces ordres : s’assurer que les quais de Graëlon étaient sécurisés et prêts à accueillir les grands navires de guerre et prendre contact avec les autorités alliées.

Obéissant à un signe invisible au profane, les trois caraques bifurquèrent de conserve et infléchirent leur cap pour chercher une trajectoire d’approche plus directe vers le port. Sur le château-arrière du navire situé au centre de la formation, le capitaine Adelas s’entretenait avec l’un de ses officiers pour superviser les prochaines manœuvres :

- Assurez-vous que le premier groupe d’éclaireurs soit armé et prêt à faire face dès que nous serons en vue des quais. Je ne veux pas de mauvaises surprises. La Lumière d’Evendum restera en alerte pendant notre débarquement. Puis la Galante prendra sa place. Assurez-vous que la manœuvre soit exécutée en moins d’une heure. Les équipements lourds et le premier campement doivent être assemblés avant la nuit. Je gage que les autorités voudront s’entretenir avec moi. Vous prendrez donc le commandement des navires pendant mon absence.

- A vos ordres capitaine ! Nous arriverons en vue du port dans trois heures d’après les cartes marines à notre disposition.

- Dans ce cas, il n’y a plus de temps à perdre : je dois annoncer notre progression à l’amiral. Rompez commandant !

***
Trois heures plus tard, le port de pêche de Graëlon apparut et les trois énormes vaisseaux de guerre, étendards de Luménis hissés bien haut sur leurs mâts s’approchèrent de la rade. Deux d’entre elles franchirent la digue qui séparait la haute mer des eaux plus calmes sous les yeux de Brus. La troisième caraque resta en arrière, ses marins en alerte pour parer à toute embuscade éventuelle. Les équipages des deux vaisseaux dirigèrent d’une main de maître leurs lourds navires parmi les pontons du port et s’arrimèrent à la jetée principale. Moins d’une minute après que les navires se furent immobilisés, une passerelle fut déployée pour permettre à un officier accompagné de quatre soldats de rejoindre la terre ferme.

[Dhast]

Depuis l'instant où ils franchirent l'horizon jusqu'au moment où deux d'entre eux passèrent les digues du port, Brus ne quitta pas des yeux les trois navires luméniens. C'était de lourds bateaux de guerre qui ne ressemblaient en rien à l'image un peu farfelue qu'il s'en était faite. Le voleur ne finit par réagir que lorsque les bâtiments commencèrent leur manœuvre d'amarrage. Les ordres du conseiller était de prévenir le gouverneur! Un peu pris de vitesse, le jeune homme remonta la digue en courant, là-bas, une passerelle était déjà posée et un petit groupe en descendait. Brus se dirigea vers eux tout en leur adressant des signes de la main. Une fois à leur hauteur, il les salua avant de débuter :

"Oh, vous êtes les Luméniens? Je suis Brus! On m'a chargé d'avertir le gouverneur de votre arrivée. Et... eh bien, d'ailleurs, je vais aller le chercher, si vous voulez bien attendre un peu..."

Et Brus fit immédiatement volte-face pour aller chercher le gouverneur.

[Lothringen]

Et Brus en était quitte pour un petit aller-retour supplémentaire, sur un trajet qu'il commençait à bien connaître. Il commençait même à découvrir des raccourcis. A défaut de voir jamais les troupes mélandiennes de près, il pourrait se vanter d'être à même de rédiger un guide touristique complet des ruelles du port de Graëlon. Avec, en bonus, celui des entrepôts.

Le gouverneur sut tout de suite en le voyant débouler dans l'hôtel de ville de quoi il retournait, aussi la conversation fut-elle brève. Accompagnés de quelques dignitaires de la ville et de quelques gardes de la cité, ils repartirent, au petit trot, vers les quais. Le gouverneur ne fit pas de commentaires, mais il aurait certainement préféré qu'on l'avertisse dès que les voiles apparaissaient à l'horizon, et non après le débarquement. En arrivant ainsi en retard, il devait paraître très malpoli de faire attendre ses hôtes...

Il ralentit l'allure, par souci de dignité, quand ils arrivèrent en vue des quais, et s'avança dès lors vers le petit groupe qui patientait. C'est à peine s'il eut le temps de jeter un oeil aux trois navires amarrés : de lourds navires de guerre, curieux pour une avant-garde...

"Salutations", fit le guerrier en s'avançant vers le luménien qui semblait être à la tête des hommes débarqués. "Je regrette de vous avoir fait attendre. Je suis le gouverneur de Graëlon. J'espère que vous avez fait bon voyage."

[Kasumi]

L’officier à la tête du détachement portait les insignes d’un capitaine de marine autant que le gouverneur pouvait en juger. Il patienta calmement et laissa poliment le dignitaire de Graëlon s’exprimer le premier avant de lui retourner son salut et de se présenter après avoir incliné la tête et tendu la main :

- Je vous salue et vous remercie de votre accueil. Je suis le capitaine Adelas à la tête de ce détachement. J’ai été chargé par le conseil de Luménis de préparer le débarquement de vos troupes avec votre collaboration. M’autorisez-vous à faire débarquer mes hommes ?

[Dhast]

Brus pouvait reprendre son souffle, sans toutefois relâcher son attention. Les discussions commençaient et c'était le moment d'ouvrir grand ses oreilles. Il avait cependant le loisir de détailler un peu plus les imposants bâtiments qui se trouvaient dans le dos du capitaine Adelas. Avec de pareils engins, ils avaient dû faire une route bien tranquille, Brus n'en avait jamais vus d'aussi gros, d'autant plus qu'à l'intérieur devaient se trouver les bataillons de soldats qu'avait mentionnés le capitaine. Le voleur en profita également pour jeter un coup d'oeil aux notables à ses côtés, à leurs vêtements et à ce qui pendait à leurs ceintures, par pur réflexe. Il croyait reconnaître certains visages entrevus le matin-même, mais d'autres lui étaient inconnus. Quant au gouverneur il semblait égal à lui-même, un peu sec, d'une fraîche cordialité.

[Lothringen]

"Bien sûr", répondit le gouverneur. "J'imagine que d'aussi gros navires ne transportent pas que leur propre équipage, mais aussi quelques troupes déjà ?..."

Du quai, il était en effet difficile de deviner en quoi consistait la cargaison des navires, même s'il était raisonnable de supposer qu'ils faisaient plus dans le transport de troupes que dans le ravitaillement. Aux côtés du gouverneur et des gardes de la cité, les notables, à en croire leur habillement, paraissaient plus du genre conseillers et administratifs que combattants, aussi la plupart d'entre eux n'avaient-ils même pas d'arme apparente, à part, de temps à autres, une discrète dague ; encore y avait-il fort à parier qu'elle coupait plus souvent le papier qu'autre chose. Le gouverneur détonait presque avec son épée longue. Comme le conseiller, il devait un peu redouter les "accidents"... Qu'elle le veuille ou pas, Graëlon devenait au moins provisoirement une place stratégique dans la guerre en cours.

[Kasumi]

L’officier luménien prit la peine de satisfaire la curiosité bien compréhensible de leur hôte :

- Je suis accompagné de trois cent hommes en plus de l’équipage sur ces navires. La moitié est un contingent visant à assurer un périmètre de sécurité pour les hommes chargés de notre logistique. Ces derniers vont faire en sorte que le débarquement de demain se passe au mieux. Non pas que nous rejetions votre aide, entendez-moi bien mais nous avons préféré être prévoyants et ne pas vous accabler par notre présence.

Le capitaine se tourna ensuite vers le navire le plus proche et leva un bras avant de lancer un ordre unique :

- Luméniens, débarquement !

Immédiatement, avec la soudaineté d’une vague libérée par une digue brisée mais dans un ordre parfait un flot ininterrompu d’hommes en rang par deux emprunta la passerelle et se mit aussitôt en formation sur les quais devant les deux premiers navires accostés. Comme l’avait annoncé le capitaine, le contingent était formé de deux compagnies d’une soixantaine de guerriers en armure lourde. Une autre compagnie était formée d’un mélange hétéroclite de mages et de prêtre qui se répartirent équitablement dans les rangs. Enfin, protégés par cette muraille d’hommes et d’acier, d’autres luméniens débarquèrent à leur tour, attendant d’autres ordres pour commencer à assembler des palans destinés déchargement des cargaisons les plus lourdes. Moins de cinq minutes s'étaient écoulées depuis que le capitaine Adelas avait donné son ordre.

Brus, le gouverneur et les autres notables constatèrent que le second navire s’éloigna des quais après que le dernier homme de troupe eut débarqué et laissa sa place au troisième navire resté en retrait. Le capitaine expliqua aussitôt de cette manœuvre :

- Nous avons pour coutume de laisser un tiers de notre flotte en protection pour nous prémunir de toute attaque ennemie. Même si cela ne parait pas nécessaire ici, je n’aime pas lésiner sur les règles de prudence élémentaire. Pouvez-vous me montrer où mes hommes pourront stationner et stocker nos chariots ?

Edit : désolé pour l'erreur sur le nom de ton perso, Dhast.

[Dhast]

Brus, car il s'appelait bien ainsi, eut le souffle coupé par le débarquement des Luméniens. Si les Helmites de Manost avaient à cœur l'ordre et la discipline, les premières journées de marche ressemblaient davantage à une colonie de vacances et le groupe des mages manostiens à un attroupement d'écoliers bruyants si on les comparait à l'échantillon luméniens qu'il avait devant les yeux. S'ils étaient tous réglés ainsi, Brus commençait à douter de pouvoir trouver quelqu'un qui lui accordât le temps d'une discussion durant le déchargement. Du reste une information importante lui manquait toujours et le capitaine luménien était sans doute le plus à même de la lui fournir. Il attendit poliment que le gouverneur renseigne le capitaine sur l'espace qui leur était alloué - peut-être bien les fameux entrepôts qu'il avait dû exploré durant la matinée - avant de questionner l'officier :

"M'sieur Adelas? L'conseiller Lothringen n'pouvait pas être présent aujourd'hui, il le sera demain. Il souhaitait savoir lesquels de ses euh... homologues accompagnaient la flotte?"

[Kasumi]

Le capitaine se tourna vers Brus après que le gouverneur lui eut donné les premiers détails concernant l’accueil de ses hommes.

- Vous pourrez d’ores et déjà transmettre les salutations de tout le Conseil à nos alliés de Manost. Toutefois, le conseiller Longuehune est le seul à avoir accompagné la flotte. Demain, après le débarquement, le conseiller Maelwedd prendra sa place à la tête de nos troupes. Ils sont tous deux impatients de s’entretenir avec le conseiller Lothringen.

[Lothringen]

Le gouverneur avait observé sans mot dire le déploiement impeccable des troupes luméniennes. Ils avaient l'ait bien frais pour des soldats qui venaient de passer plusieurs semaines à fond de cale, bercés par le roulis, le tangage, et une alimentation de conserves... A moins que ce ne soit justement la perspective de sortir de leur prison de planches qui leur donnait un tel entrain ? Un instant, il se demanda à quoi ressemblait l'armée manostienne, qui avançait à marche forcée depuis quinze jours. Elle ne campait qu'à quelques heures de sa cité, mais il ne la croiserait sans doute pas...

Puis il répondit à son tour sur l'épineuse question des espaces de stockage. On avait fait au mieux pour vider la ville en prévision de l'arrivée des luméniens, il y aurait suffisamment de place dans le port pour faire un accostage sans qu'il y ait besoin de recourir à des roulements permanents, en revanche il ne fallait tout de même pas espérer que Graëlon loge plusieurs milliers d'hommes en armes dans ses dortoirs ou stocke l'intégralité des approvisionnements de l'armée luménienne dans ses entrepôts. Graëlon n'était pas Manost. Alors que sa population était elle-même décrue en raison de la mobilisation et de l'exil forcé des marins partis avec leurs bâtiments, la cité allait se retrouver investie par plus d'étrangers que d'habitants. Elle avait vocation à être un lieu de passage, et guère plus...

"Nous avons libéré une dizaine d'entrepôts au sud du port. Ce sera assez pour vos trois navires, en revanche il ne sera sans doute pas possible d'y stocker l'intégralité de vos cargaisons quand le gros de la flotte arrivera demain. Le plus sage serait de laisser les denrées les moins périssables dans le ventre des navires jusqu'à ce que vous ayez décidé de leur mode d'acheminement."

[Kasumi]

Le capitaine hocha la tête et répondit d’un ton confiant :

- Ce sera parfait. Nous n’avons besoin de place que pour monter les chariots destinés à l’acheminement de nos marchandises pendant la campagne. Les troupes seront fraîches et pourront se mettre en ordre de marche dès demain. Etant donné l’urgence du siège en cours à Aghoralis, je pense que le conseiller Lothringen sera du même avis. Pouvez-vous me montrer ces entrepôts que je prenne les dispositions nécessaires ?

[Dhast]

Brus nota mentalement l'identité des conseillers luméniens, bien qu'au final, il ne fût pas certain de qui était réellement présent et de qui ne l'était pas. Le premier conseiller était seul avec la flotte et verrait logiquement Lothringen le lendemain, mais le deuxième n'était donc pas avec la flotte, or il verrait aussi Lothringen? Brus secoua la tête, il conclut qu'il répèterait mot pour mot la phrase au semi-drow, qui saurait mieux que lui en décoder le sens. En fin de compte, le second conseiller se déplacerait peut-être magiquement, après tout, ces deux noms ne lui disaient absolument rien et il ignorait tout de leurs porteurs. Comme la discussion reprenait sur les détails logistiques du débarquement, Brus y mit son grain de sel :

"D'ailleurs, le chef de nos éclaireurs a indiqué avoir trouvé un endroit à quelques lieues de la ville pour votre campement." Puis il pointa un doigt vers les quais. "En marche dès demain? Vous pensez que tous vos bateaux vont rentrer d'un coup? Vous êtes combien?"

hrp : désolé de la fréquence un peu basse, week-end chargé, je suis crevé...

[Kasumi]

Le Luménien reporta à nouveau son attention sur Brus non sans le remercier de ses précisions avant de répondre d’un ton confiant à ses questions :

- Cela nous prendra tout de même plusieurs heures pour débarquer tout le monde aussi cette clairière fera certainement office de lieu de rassemblement jusqu’à ce que toute notre armée soit en ordre de marche et que son itinéraire soit fixé avec les autorités manostiennes. Je serai heureux que vous montriez cette clairière à mes officiers. Et pour répondre à votre question justifiée, il nous faudra environ une heure pour débarquer chaque caraque voire légèrement plus pour celles comportant nos unités de cavalerie. Nous devrons faire deux ou trois roulements à première vue : la flotte envoyée ici compte vingt-cinq navires sans compter ceux arrivés aujourd’hui bien sûr.

HRP : pas de soucis Dhast !

[Lothringen]

Le gouverneur hocha la tête en signe d'approbation devant cette estimation de la capacité du port. Le port de Graëlon passait pour le deuxième ou troisième plus grand port de Dorrandin, mais les navires luméniens étaient énormes. Guère étonnant pour assurer un tel transport de troupes... il fit un signe de la main.

"Les entrepôts sont par ici, je vais vous montrer... Nous avons choisi ceux les plus proches du port, pour vous éviter de trop multiplier les aller-retours durant votre débarquement. Pour répondre à vos propos, je ne doute pas que le Conseiller et les généraux ne souhaitent porter au plus vite secours à Aghoralis, mais il se pourrait que cette cité ne soit pas la seule exposée aux exactions de l'ennemi..."

Difficile d'oublier qu'entre la fraction d'armée mélandienne en route vers le sud et Manost, il y avait Graëlon, cité portuaire vaste, vide et mal défendue. Le gouverneur ne pouvait qu'espérer qu'il n'entrait dans les intentions de personne de la sacrifier au titre de sa moindre importance stratégique... Mais le temps n'était pas à ce genre de discussions.

"A combien d'heures estimez-vous le temps qui nous sépare de l'arrivée du gros de la flotte, demain ? "

[Dhast]

Brus hocha la tête, même s'il avait parlé du campement sans en connaître l'emplacement. Il avait le souvenir d'avoir entendu cela dans une discussion récente mais maintenant qu'il se creusait la cervelle il doutait même de la personne qui avait exprimé ce fait. Il écouta ensuite attentivement la description de la flotte luménienne et fit ses petits calculs pour conclure que le nombre probable de soldats devait être assez proche des estimations du conseiller. Après quoi il emboîta le pas au groupe en direction des fameux entrepôts. S'il s'avérait qu'il s'agissait des mêmes que ceux visités durant la matinée, on aurait sans doute droit à des remarques sur l'état de la toiture.

[Kasumi]

Le capitaine répondit sans hésiter à la question du gouverneur tout en lui emboîtant le pas ainsi que les quatre hommes qui l’avaient accompagné plus tôt. Le reste des hommes, impeccablement alignés, attendaient le retour du capitaine et les ordres suivants pour rompre les rangs.

- Nous accordons beaucoup d’importance à l’aube et c’est sans doute à cette heure que l’Amiral Longuehune apparaîtra. Comptez une heure de plus pour que nos premières troupes soient prêtes à débarquer. Nous vous sommes gré de nous avoir réservé les entrepôts les plus pratiques. Quant aux questions d’ordre stratégiques, j’ai bien peur que mes compétences s’arrêtent au débarquement de notre avant-garde mais nous espérons vous aider à arrêter l’ennemi avant qu’il n’atteigne vos autres cités. C’est tout l’objectif de cette campagne, soyez-en assuré !

[Lothringen]

Le gouverneur s'abstint de commenter cette réponse, mais l'idée que la flotte luménienne allait attendre l'aube ou au contraire forcer l'allure pour pouvoir apparaître à l'horizon nimbée de l'aura de sa divinité tutélaire lui arracha un sourire difficilement réprimé. Sans doute cherchait-on à impressionner les mouettes ?

Ils ne tardèrent pas à parvenir à hauteur des entrepôts. S'il y avait quelque part une ou plusieurs tuiles déscellées par quelque indiscret, elles n'étaient pas visibles depuis le port, et Brus ne reconnut d'ailleurs pas le groupe de bâtiments qu'il avait visité un peu plus tôt. Ceux-ci étaient dotés de grands doubles portes assez hautes pour y entrer à cheval, et tellement vides qu'on n'y voyait guère que de la paille sur le sol et quelques débris de caisse ça et là, et que ce serait un jeu bien fastidieux que de chercher à déterminer la nature de la dernière marchandise entreposée ici. Le gouverneur montra successivement les dix hangars, avant de demander au capitaine Adelas s'il avait besoin d'autre chose.

[Kasumi]

Le capitaine prit soin d’examiner les entrepôts avant d’adresser un signe de tête approbateur au gouverneur et répondre d’un ton satisfait :

- Je vous remercie une fois encore de votre hospitalité au nom de Luménis. Ces entrepôts seront parfaits pour permettre à mes hommes de travailler sans avoir à se soucier des éléments. Je pense que nous sommes prêts à commencer. Je vais rester ici pour superviser les manœuvres à moins que ma présence vous soit utile. Comment puis-je vous contacter en cas de besoin ?

Puis, se tournant vers Brus, il ajouta :

- Vous est-il possible de mener mes hommes jusqu’à cette clairière afin qu’ils sachent y guider nos troupes demain matin ?

[Dhast]

Les Helmites avaient désormais trouvé leurs maîtres dans l'esprit de Brus. Dans le registre de la gloire théâtralisée les Luméniens donnaient définitivement dans une catégorie supérieure. Le voleur en resta les yeux ronds. Pourtant, bien qu'il se moquât intérieurement de tout cet artifice, il savait déjà, avec tout l'enthousiasme d'un gamin, que le lendemain il ne manquerait l'arrivée luménienne pour rien au monde, quand bien même, par son rattachement au conseiller, il avait peu de chance de la louper. Puis le chemin les conduisit jusqu'aux entrepôts, et Brus ressentit un léger soulagement lorsqu'il constata que ce n'était pas les mêmes. Cependant le capitaine avait de la suite dans les idées, lorsqu'il l'interrogea sur la clairière, le jeune homme dut botter en touche :

"Hem, non. Je l'ai entendu dire, mais personne ne m'a dit où ça s'trouvait, il vaut peut-être mieux qu'vous vous adressiez à m'sieur l'gouverneur pour ça, il est sûrement au courant, sinon, je doute pas qu'on vienne vous l'indiquer. Et puis c'est sans doute à une ou deux heures d'ici, comme le campement manostien, et je n'peux pas m'absenter aussi longtemps. En revanche je connais bien la ville, si vous avez besoin d'un messager justement, pour le gouverneur ou l'conseiller, je m'tiens à votre disposition."

Ce n'était qu'à moitié vrai, mais si le capitaine cherchait à joindre l'hôtel de ville depuis les quais, c'était maintenant un trajet qu'il pouvait faire les yeux bandés.

[Kasumi]

Revenant au gouverneur, l’officier luménien lui exposa la requête suggérée par Brus :

- Je m’en remets donc à vous pour nous envoyer un éclaireur qui saura nous guider jusqu’à cette clairière dont parle ce jeune homme. Quant à vous, si vos obligations le permettent, je serais ravi que vous acceptiez de remplir le rôle d’officier de liaison auprès du conseiller. Si vous pouviez lui porter comme message que je me tiens à sa disposition s’il souhaite s’entretenir avec moi, je vous en serais reconnaissant.

[Lothringen]

"Le campement préparé par nos éclaireurs se situe au nord est de la cité, à deux heures de marche de celle-ci. Il a été choisi pour sa large surface plane et ses ressources en bois et en eau, sans compter qu'il n'est qu'à une heure du campement manostien. Je vous enverrai un groupe d'éclaireurs afin qu'ils vous y guident. Pour ma part, je vais retourner à l'hôtel de ville. Si vous souhaitez me recontacter, envoyez-moi Brus ou l'un des gardes de la ville qui resteront à votre disposition sur les quais. Le Conseiller logera au même endroit ce soir. Je ne sais s'il sera disponible aujourd'hui, mais je pense qu'il voudra être présent demain matin, pour le débarquement. Sur ce, je vous souhaite une bonne soirée. N'hésitez pas à me solliciter, à la moindre question : le trajet d'ici à l'hôtel de ville n'est pas bien long."

Sur ces mots, le gouverneur s'inclina et prit congé, laissant le luménien aux prises avec le jeune voleur.

[Kasumi]

Le luménien salua le dignitaire avant qu’il prenne congé puis se tourna vers Brus et s’adressa à lui en accompagnant sa question d’un sourire entendu :

- Très bien, gagnons du temps : quels sont les autres informations que le conseiller vous a chargé de lui rapporter sur nous ? Je suis tout disposé à y répondre.

[Dhast]

Brus répondit d'un sourire narquois au capitaine :

"Vous êtes perspicace m'sieur Adelas. Mais l'conseiller avait plutôt l'air de s'préoccuper de votre état d'esprit et de l'état de fraîcheur dans lequel vous alliez débarquer. Songeant aux hommes impeccablement alignés devant les bateaux Brus observa : De ce côté je vais pouvoir le rassurer. Vous avez fait bon voyage? Pas eu de problèmes? J'ai pris le bateau une fois vous savez, pour venir à Manost, il était pas aussi gros qu'le vôtre mais vue la traversée il avait une bonne taille quand même. Je venais d'Athkatla, vous connaissez Athkatla? Vous êtes de Luménis vous? Jamais été mais comme je disais à m'sieur le conseiller ce matin, j'irais bien. Si j'peux me permettre, ça a l'air d'avoir d'la gueule. Ca fait longtemps que vous y êtes officier? Moi je n'pourrais pas. Vous voyez, comme ça sur un bateau, au moindre problème on est à la flotte, et possiblement bien loin de la côte! Vous trouvez pas ça un peu angoissant? Enfin vous m'direz, vous avez l'habitude."

Le capitaine avait donné l'opportunité à Brus de poser ses questions, ce dernier n'avait pas réfléchi et avait lancé la conversation sur son train habituel. Le capitaine allait-il suivre?

[Kasumi]

Le capitaine laissa le flot de questions de Brus se tarir d’elles-mêmes avant de tenter d’y répondre en faisant un effort pour ne pas en oublier, ce qui en soit en disait long sur ses capacités de mémorisation. Il ne prit aucunement ombrage des questions manifestement personnelles qui ne figureraient pas dans le rapport du jeune homme :

- L’avant-garde n’a rencontré aucun problème ni signe inquiétant de présence ennemie. Le gros de la flotte n’a eu que quelques problèmes mineurs mais aucune avarie de nature à la retarder n’est à déplorer non plus. Cette traversée s’est déroulée sous les meilleurs auspices. Si vous voulez visiter l’une de nos caraques, je me ferai un plaisir d’exaucer ce souhait une fois que j’aurais transmis quelques ordres. Luménis entretient des liens commerciaux avec les nations d’outre océan mais je ne les ai pas visitées moi-même. Si je passe le plus clair de mon temps en mer, mon service ne m’a jamais éloigné du continent et de ma terre natale. Je suis en effet né à Luménis, dans une famille de marin, comme nombre des hommes sous mes ordres. Si un jour vous souhaitez visiter la ville, j’espère pouvoir vous faire office de cicérone. Je suis officier depuis trois ans mais au service de la marine depuis l’âge de mes treize ans. J’ai commencé comme mousse et ensuite gravit un à un tous les échelons, voyez-vous. La vie à bord est exigeante mais pas plus que d’autres. Le plus difficile est d’être éloigné de sa famille pendant de longs mois. Le milieu marin est devenu mon environnement et c’est là que je me sens le plus à l’aise à présent. Même si un séjour à terre n’est pas si désagréable de temps en temps. Ai-je assouvi votre curiosité ? Êtes-vous de souche manostienne, vous-même ? Et depuis combien de temps travaillez-vous avec le conseiller, si je puis me permettre ?

[Dhast]

Brus écoutait avec attention toutes les réponses que le capitaine prenait la peine de fournir à ses questions et il fut assez impressionné de l'exhaustivité de celles-ci. Il acquiesça avec enthousiasme à la proposition de visite d'une des caraques, curieux de savoir ce que pouvait renfermer les ventres de ces immenses navires. Le capitaine parvint au terme des réponses qu'il pouvait apporter au jeune homme et celui-ci lui renvoya l'ascenseur :

"Presque m'sieur Adelas, presque, j'espère que j'vous dérange pas avec ça. Je n'suis pas de souche manostienne non, mais bien d'Athkatla, aussi loin que j'me souvienne j'y ai toujours habité. Et pour c'qui est de travailler avec le conseiller, c'est assez récent, même si j'pense qu'au fond j'le fais indirectement depuis un p'tit moment. La guilde pour laquelle j'ai travaillé quand j'suis arrivé à Manost travaille aussi pour l'gouvernement, vous voyez."

Brus marqua une légère pause pour opérer son changement de sujet. Le capitaine semblait être un homme tout ce qu'il y avait de plus sérieux, sa version des choses lui permettrait sans doute d'avoir le cœur net sur plusieurs points :

"Dites-moi m'sieur Adelas, puisque ça fait un moment qu'vous êtes sur un bateau, c'est vrai c'qu'on raconte sur les monstres marins? Vous en avez d'jà vus? Qu'est-ce qu'il vous est arrivé de plus incroyable sur vot' bateau?"

hrp : mille excuses pour cette semaine blanche, j'ai eu du monde chez moi et pas un moment pour venir écrire , ne me faites pas d'mal...

[Kasumi]

HRP : pas grave Dhast ! Mais je vais devoir avancer un peu le débarquement histoire de débloquer tout le monde. Rien ne nous empêche de poursuivre les questions par la suite.

Le capitaine appréciait la compagnie rafraichissante de Brus et sa conversation plaisante. Il prit donc le temps d’assouvir sa curiosité après avoir transmis les ordres à ses troupes attendant toujours sur les quais. Ce faisant, il fit visiter au manostien d’adoption sa caraque, des châteaux aux cales. Le temps d’échanger une impressionnante série de questions et des réponses qui allaient avec. Brus apprit que le pire monstre des mers était l’homme lui-même, capable de cent fois plus de sauvagerie et de ruse que le monstre des mers le plus retors, même les célèbres dragons-tortues des îles elfiques…

*** Le lendemain***


Dans la pénombre à peine repoussée par la lueur des étoiles, la flotte luménienne s’avançait en bon ordre et connaissait ses derniers instants de silence relatif avant que les manœuvres que les officiers allaient ordonner sous peu. Avant aussi que les troupes ne gagnent le pont central pour faciliter leur débarquement.

- Amiral, toutes les capitaines d’escouades ont fait leur rapport. Nous sommes prêts !
- Qu’en est-il du capitaine Adelas et de son avant-garde ?
- Ils ont repris la mer pour protéger notre débarquement, amiral. Rien à signaler pour le moment.
- Bien, il est six heures. Veuillez noter au journal de bord que nous entamons notre approche finale du port. Préparez la formation pour les rotations en trois vagues : je veux un déploiement en bon ordre. Nous prendrons la tête du premier groupe. Le conseiller manostien voudra certainement s’entretenir avec moi dès notre arrivée.

--- Petite musique d’ambiance ---

Sur une série de signaux, les ordres de l’amiral se propagèrent à la flotte alors que les aventuriers qu’il avait conviés sur le château arrière de la Vague Déferlante arrivaient enfin pour voir les lourdes caraques s’affranchir des courants et pivoter et se positionner avec la coordination parfaite d’un banc de poissons. La flotte se déployait en trois chevrons égaux de deux fois quatre navires, la Vague Déferlante, seule en tête pour leur ouvrir la voie et les guider jusqu’au port de Graëlon. L’aube éclaira les voiles entièrement déployées du navire géant et de ses copies plus petites au moment où la vigie annonçait à haute voix avoir repéré le phare et la digue du port allié. Désormais, et à l’allure rapide qui poussait la flotte droit vers l’est, il ne faudrait plus qu’une heure pour que les navirs du premier groupe atteignent le port pour y effectuer le débarquement des premières troupes. La Vague Déferlante, l’Aube, l’Espérance, la Clarté du matin, la Surprise, la Fierté de Solarcis, le Matin radieux, le Vent d’Ouest et la Lumière se détachèrent progressivement des autres mais sans rompre leur formation jusqu’à un mile marin de la digue. Là, chacun des navires d’escorte placé de part et d’autre de la Vague Déferlante se rapprocha de son homologue pour former deux rang impeccables derrière le navire amiral qui contourna, le premier, la digue et ralentit brusquement pour venir s’apponter au quai le plus proche.

Les huit autres navires l’imitèrent tandis que les troupes du génie déployées la veille s’affairaient à arrimer les passerelles et les palans qui allaient permettre le déchargement des soldats, des chevaux et des autres cargaisons. Les trois compagnies de soldats déjà à terre formèrent une haie d’honneur devant le navire amiral et saluèrent leur officier supérieur quand le conseiller Longuehune entouré de sa garde personnelle et de quelques luméniens triés sur le volet descendit sur les quais, posant enfin les pieds en Dorrandin. Arthur, Dorian, Galariel, Surya et Zaiu furent ainsi aux premières loges pour assister à la rencontre entre les autorités des deux cités alliées.

[Ugo]

Galariel était bien embêtée, il n'était absolument pas question pour elle de se passer de son armure habituelle qui, n'en déplaise à l'amiral, était de meilleure qualité que celle qui avait été forgée spécialement pour elle par les forgerons luméniens. Mais d'un autre côté, elle ne voulait pas froisser l'homme qu'elle considérait comme son supérieur hiérarchique dans la situation présente. Elle allait toujours l'accepter et verrait bien plus tard.
Pour le moment, la ville portuaire qui était leur destination se dévoilait aux yeux des aventuriers et équipages des navires luméniens en approche.

[Surya]

Surya avait grimpé sur le premier perchoir venu, à savoir le garde-fou, sans se soucier des convenances et encore moins du risque de chute. Son armlure de cuir la gênait un peu dans ses gestes, mais elle s'y habituerait. Pour l'heure, elle avait besoin de voir sans être gêné par les immenses statures de ses compagnons. Et elle dévorait le spectacle des yeux. Les ballets des navires bien ordonnés, parfaitement synchronisés, cherchaient visiblement à impressionner leurs alliés manostiens. Elle n'y connaissait pas grand-chose, et même rien du tout, en manœuvre de navires, mais elle se doutait que ce n'était sûrement pas une chose aisée.

Des images pleine la tête, elle tentait déjà de traduire en mots, en rimes, en chant, tout ce qu'elle observait, de la concentration des officiers à l'agilité des marins, de la course du mousse à la raideur de l'amiral, du ballet des voiles à celui des coques... Oui, elle allait créer là le premier couplet de la balade épique qui conterait leurs exploits.

Ce fut à regret qu'elle quitta son poste d'observation pour débarquer, à la suite de ses camarades et bonne dernière. Mais il fallait bien qu'elle trouve de quoi meubler les autres couplets de sa ballade... et cela se passerait sur la terre ferme cette fois-ci !