[Quête : Tel est pris qui croyait prendre] Groupe 2 - Astrée

[Voyageuse]

Astrée rit à nouveau.
- Bientôt, tu vas me demander de prendre tes mensurations ! Si tu étais un adulte, justement, tu n'en parlerais même pas ! Il n'y a que les adolescents pour s'en préoccuper.
Elle soupira.
- Maintenant, côté analyse de la situation - je ne parle pas de ta situation d'enfant sur laquelle ton jugement est faussé, mais de notre situation ici - bref, sur notre situation, je suis d'accord avec toi, on ne peut pas être certains des intentions des elfes. Mais on peut se dire que si elles étaient alliées des mages, on ne serait sans doute plus de ce monde, c'est trop dangereux pour eux de nous garder en vie. Mais soit, je t'accorde qu'on ne peut être sûr de rien. Quant à ta soi-disant décision rationnelle de ne pas nous allier avec elles... Qui a dit qu'on l'était ? On avait le choix entre mourir, donc sans espoir de remplir notremission ni de revenir un jour, ou jouer le jeu et se comporter de façon courtoise et raisonnable. Elle ne nous ont rien demandé qui soit contraire à nos valeurs, à notre honneur, à notre mission, que je sache ? Si un jour ça arrive, et bien nous saurons qu'elles ne sont pas nos alliées, et là nous agirons. Pour l'instant, elles n'ont rien fait qui justifie une réelle animosité de notre part - vu les mages dangereux qui rôdent, on peut comprendre qu'elles se soient méfiées d'étrangers -, et s'il est normal d'être sur nos gardes, on peut quand même leur laisser le bénéfice du doute et ne pas les considérer d'emblée comme des ennemies. Il faut leur laisser l'occasion de révéler de quel côté elles sont. Ne pas les juger sans preuve. Imagine que tu te trompes, et que peut-être on ait une chance, avec elles, de pouvoir vaincre les mages ? Il ne faudrait pas la laisser passer !
Elle fit une pause.
- Bref... Ton analyse est juste, mais ta décision n'est pas rationnelle. Puisqu'en refusant de jouer leur jeu - au moins en apparence-, tu ruines notre mission et te condamne. Ta décision est trop extrême : on ne peut pas se fier à elles, certes, mais cela ne veut nullement dire qu'elles sont nos ennemies. Ca veut juste dire qu'on ne sait pas. Et quand on ne sait pas, et bien on enquête, on garde les yeux ouverts, on reste discret en attendant. On ne décrète pas qu'elles sont des ennemies, simplement parce qu'on n'a pas de preuve qu'elles soient nos alliées. C'est un peu comme si un tribunal condamnait un homme simplement parce qu'il n'a aucune preuve qu'il est innocent, qu'il n'a pas d'alibi. Tu imagines ce que ça donnerait ? Ici, c'est pareil. Onne sait pas de quel côté elles sont. Donc on reste sur nos gardes, mais c'est tout.
Elle sourit.
- Tout ça pour en revenir au fait que tu prends des décisions extrêmes et trop peu rationnelles, peu réfléchies. Tu me diras que certains adultes en feraient autant, sans doute. Mais dans ton cas... tu n'es pas tout à fait un adulte. Pas encore.

[Taliesin]

Léo parut sur le point de répondre avec vivacité, mais il resta finalement muet, se contentant de dévisager la rôdeuse avec insistance, le regard presque fixe. Enfin, il poussa un profond soupir.
-Vous lâcherez pas le morceau, hein ? lâcha-t-il sur le ton d'un constat douloureux. Quand j'essaie d'avoir un discours raisonnable, vous le démontez point par point ; quand je raconte des imbécilités, vous les balayez avant d'essayer de ramener la discussion sur des thèmes plus rationnels ; quand je vous attaque, vous ripostez... Je comprends pas pourquoi vous insistez tant, pourquoi vous tenez absolument à m'entendre dire certaines choses : ça sert à rien, puisque vous avez déjà ce que vous voulez, puisque les elfes me tueront pas et qu'on m'empêchera de faire des bêtises. Peut-être, juste, que vous aimez avoir le dernier mot, ou que vous êtes hyper têtue. En tout cas, vous lâcherez pas le morceau, vous continuerez toute la journée, toute la nuit s'il le faut. Je pourrais continuer, même si j'en ai ma claque, à jouer la comédie, à raconter n'importe quoi, à m'humilier, à m'avilir et à me ridiculiser tout seul : je suis plus à ça près. Mais comme vous me ficherez pas la paix, et comme il y a des tas de choses bien plus importante à faire que discuter avec moi, ça serait pas du tout responsable de ma part de persister, pour le coup...
Il soupira à nouveau, et, resserrant sa couverture autour de lui, il tourna derechef le dos à Astrée. Toutefois, il n'avait pas l'intention de garder le silence : déjà, il reprenait.
-Je suis d'accord avec ce que vous venez de dire. Avec tout ce que vous avez dit depuis hier, d'ailleurs. Ou presque. Mais comme ça suffira pas que je dise simplement que je sois d'accord, comme vous vous en contenterez pas, je vais détailler... Je suis tout à fait conscient de n'être qu'un foutu gamin prétentieux que personne ne prend au sérieux - ah, et qui a un zizi minuscule, puisqu'il en a beaucoup été question. Je sais que mon père n'a pu me prendre à bord qu'après avoir promis à ma mère de m'écarter en cas de danger. J'ai même l'impression qu'aucun marin me considérait comme un vrai mousse : sans doute qu'ils me voyaient seulement comme le fils du capitaine... Enfin bref. C'était normal qu'on m'évacue du navire, mon père a tenu sa promesse et agi de manière responsable, et il avait pas à se soucier si ça brisait mes illusions stupides ou non : c'est la responsabilité qui prime. Ensuite, je sais qu'il est possible que les elfes soient pas au service des mages, que c'est normal qu'elles soient méfiantes, que si ça se trouve, en les aidant, on agirait pour la mission. Je sais évidemment, même si c'est rigolo de dire le contraire, que les femmes sont pas inférieures aux hommes : je crois qu'il y a des domaines où on est meilleurs qu'elles, d'autres où elles sont meilleures que nous, et encore, c'est même pas sûr et y a des exceptions. Après, toutes les horreurs que j'ai pu vous dire - et pour lesquelles je vous présente mes excuses, tant qu'on y est -, je les crois pas, ou si j'y ai cru un moment, sous le coup de la colère, vous m'avez prouvé le contraire. Vous voulez aussi accomplir la mission, vous voulez qu'on puisse quitter cette île et vous voulez tenir la promesse que vous avez faite à mon père. Ce que vous m'avez fait, c'était juste pour essayer de me sauver, et sans doute aussi parce que vous avez un peu paniqué, vous avez eu peur que la vieille elfe fasse vraiment des choses irréparables. Bon, peut-être que j'ai quand même réussi aussi, un peu - si vous me pardonnez cette forfanterie -, à vous pousser à bout avec mes imbécilités. Bref, vous n'avez rien à vous reprocher, ce que vous savez parfaitement.
Il parlait d'un ton calme, presque détaché ; toutefois, à le voir recroquevillé sur lui-même, les genoux enserrés dans ses bras, Astrée n'avait aucun mal à constater à quel point tenir ce discours lui était difficile.
-Maintenant que je vous ai expliqué ça, vous allez me demander pourquoi j'ai je me suis comporté comme un demeuré, et vous me lâcherez pas tant que vous aurez pas la réponse... Alors laissez-moi vous faire gagner du temps. Si j'ai agi comme je l'ai fait, c'est pas pour les raisons que j'ai dites. Je sais très bien que la promesse que m'a demandée ma mère, c'était du chiqué, c'était ces promesses qu'on fait faire aux enfants pour de rire, qui ont aucune importance mais que eux, des fois, ils sont assez crétins pour prendre au sérieux... En fait, simplement, avoir perdu mon père, ça me de la peine si énorme qu'elle veut pas sortir et qui me rend, je crois, un peu taré. Et surtout, j'ai peur. Très peur. Peur de ce qui se passera si on aide les elfes alors qu'elles servent les mages, même si c'est loin d'être sûr qu'elles les servent : là, je salirais vraiment mon nom et mon honneur, on risquerait de faire échouer la mission, en plus, et tout ça me terrifie. Ensuite, j'ai peur de ce qui se passera si on rentre, peur de devoir vivre sans mon père, tellement que je préfère pas rentrer ou mourir, en fait. Bref : le chagrin et la peur, voilà les raisons de mon comportement. J'ai préféré me raccrocher à des absurdités, tenter le diable pour voir si des fois on me couperait pas la tête, ce qui m'éviterait d'être encore triste et d'avoir encore peur, quitte à passer pour le dernier des abrutis et à raconter des conneries plus énormes que moi - ce qui est pas dur, je sais. Bref : vous pourrez pas me reprocher de pas avoir été sincère, sur ce coup-là.
Il frémit de toute sa frêle carcasse, resta muet quelques instants mais recommença à parler, d'une voix désormais ténue et mal assurée, avant que la rôdeuse n'ait pu intervenir.
-Voilà. Vous savez tout sur tout. Vous avez gagné. Alors, maintenant, s'il vous plait, laissez-moi tranquille et partez. Vous avez des choses importantes à faire, et de toute façon, vous savez que la vieille elfe me laissera pas faire d'âneries. Je le redis : vous avez gagné. Tout ce que je demande,c 'est... de pouvoir rester tout seul et qu'on vienne plus me parler jusqu'à ce que tout soit terminé. Vous pouvez bien faire ça, non ?

[Voyageuse]

Astrée sentit son coeur se serrer alors qu'elle écoutait Léo dire, enfin, ce qu'il avait sur le coeur. Pauvre gosse. Oh, bien sûr, elle savait déjà tout cela, il ne lui apprenait rien... Mais l'entendre dire, avec cette toute petite voix, cela lui brisait le coeur.

D'instinct, elle s 'approcha de lui et l'entoura de ses bras lorsqu'il eut fini de parler. Juste un geste de réconfort. Elle savait qu'il n'était plus en état de refuser cela, et que peut-être elle lui ferait un peu de bien.
- Léo..., souffla-t-elle doucement. Tu n'es pas un gosse prétentieux. Tu es même un jeune garçon sacrément courageux, et en plus tu viens de parler comme un homme raisonnable et responsable, là. Et c'est normal que tu souffres, que tu aies peur de reprendre ta vie, sans ton père, c'est normal que tu aies si mal. Il faudra beaucoup de temps pour que ça passe, pour que tu retrouves du plaisir à vivre. Mais ça viendra, laisse faire le temps. Ah, et ne t'en fais pas pour ces histoires d'elfes, on ne se fera pas entraîner dans n'importe quoi !

Elle le serra brièvement, un peu plus fort.
- Maintenant, si tu veux, je peux partir et te laisser seul, ou bien je peux rester avec toi sans parler, juste pour te tenir compagnie. Tu peux rester un moment comme ça, juste pour te détendre.... De toute façon, je n'ai rien d'urgent à faire au-dehors, nos compagnons n'ont sans doute pas encore fini leurs épreuves, je ne serai d'aucune utilité. C'est vraiment... comme tu veux.
Elle posa une main sur ses cheveux, hésitant à lui caresser la tête. Comme à un tout petit garçon...

[Taliesin]

Comme à chaque fois qu'elle l'approchait ou le touchait, le mousse se crispa. Il resta ainsi, tous ses muscles tendus à craquer, durant de longues minutes, sans prononcer le moindre mot. Puis, à nouveau, il soupira.
-Moi qui croyais être têtu, j'ai trouvé pire que moi... souffla-t-il.
Il se détendit alors, peu à peu, presque imperceptiblement. Il ne fondit pas en larmes, n'éclata pas en sanglots, se contentant, parfois, d'aspirer l'air à grandes goulées.

[Voyageuse]

Astrée resta silencieuse, caressant doucement les cheveux du jeune mousse, attentive à s'arrêter au moindre geste d'humeur. Elle n'avait rien d'urgent à faire, on viendrait bien la chercher quand sa présence serait requise. Et elle se disait que peut-être, cela pouvait faire du bien à Léo de se laisser bercer ainsi. Peut-être...
Elle savait qu'elle devait simplement se montrer disponible, être présente. Juste pour qu'il se sente moins seul dans sa souffrance. Mais elle surveillait ses réactions : si elle sentait qu'il voulait vraiment rester seul, elle le laisserait un moment.

[Taliesin]

A un moment, Astrée crut qu'il allait complètement se laisser aller, qu'il allait enfin laisser sortir ce qui le minait de l'intérieur. Mais il ne le fit pas ; il se reprit avant que la moindre larme n'ait coulé, se dégagea des bras de la rôdeuse et, drapé dans sa couverture comme un clerc dans son aube, s'approcha du plateau où le petit déjeuner avait depuis longtemps achevé de refroidir.
-Autant que je vous épargne l'effort de m'y forcer... maugréa-t-il.
Sans appétit aucun, aussi mécanique qu'un automate, il entreprit d'avaler quelques bouchées.

[Voyageuse]

Astrée sourit, sans parvenir à masquer le pli soucieux qui lui barrait le front.
- Je ne t'aurais pas forcé, tu sais bien, simplement fait un discours d'une heure, tenta-t-elle de plaisanter en se servant à son tour. Mais ça te fera du bien de reprendre des forces, même si tu n'as pas faim...
Elle, en tout cas, avait faim, ce que son estomac ne manqua pas de trahir par un grondement peu discret. Elle se servit donc copieusement, avalant plus que sa part. Et tant pis si c'était froid...
-Je vais redescendre le plateau, proposa-t-elle. Sauf si tu préfères que je reste encore ?

[Taliesin]

Léo leva les yeux au ciel.
-A la base, je vous avais demandé de partir... fit-il sur un ton de constat dépourvu d'agressivité. C'est donc que je pensais pouvoir me débrouiller tout seul...
Il soupira.
-Mais si vous avez peur que je fasse une connerie en votre absence... Rassurez-vous : j'aurais trop la trouille de sauter par la fenêtre, et pas le temps de fabriquer une corde avant votre retour.

[Voyageuse]

Astrée jaugea le jeune mousse du regard.
-Oh, je n'ai pas peur que tu fasses une connerie, mentit-elle du mieux qu'elle put. Je veux juste ne pas te laisser seul dans ton état...

La fenêtre... Il y avait un risque, infime... Mais le môme ne semblait plus dans le même état d'esprit que la veille, il n'aurait pas la volonté... ou peut-être que si, peut-être jouait-il la comédie... En même temps, il fallait bien, un jour, lui faire confiance... Et puis, il avait déjà eu l'occasion quand elle était descendue chercher le déjeuner...

- Je reviens tout de suite, trancha-t-elle en descendant l'escalier quatre à quatre... Elle ne pouvait pas le laisser seul avec une fenêtre, l'envie de mourir pouvait le reprendre...

[Taliesin]

Lorsqu'elle revint - après avoir déposé le plateau et croisé le regard de la vieille elfe qui ne dit mot mais sourit d'un air entendu -, Léo n'avait pas bougé d'un pouce.
Il ne bougea ni ne parla davantage tout ua long de l'après-midi. Il ne demanda pas à la rôdeuse de le laisser seul, mais ne se rapprocha pas non plus d'elle. Il resta simplement assis où il était, le regard perdu dans le vague, si immobile qu'on aurait pu le croire endormi, quoi que ce ne fût pas le cas.
L'après-midi s'écoula lentement. Lui succéda le soir, et la vieille elfe leur porta un plateau chargé d'un copieux dîner. Elle en profita pour informer Astrée que l'heure du Conseil approchait et que, sitôt mangé, elle pourrait aller sur la place du village où le jugement concernant ses compagnons serait rendu.

HRP : Tu peux aller jusqu'où tu veux dans ton prochain post ! Soit juste décrire le retour d'Astrée chez la vieille elfe, après le conseil, soit avancer plus loin (nuit, matin suivant...) Bref, c'est comme tu en as envie !

[Voyageuse]

Astrée ne tarda guère à avaler le dîner copieux qu'on leur servit, pressée de connaître le verdict concernant ses compagnons. Elle ne se faisait guère de soucis pour l'attitude de la majorité d'entre eux, mais craignait que quelques-uns, trop têtus, nuisent à la réputation du groupe.

Elle revint rassurée, après avoir simplement salué ses compagnons qui avaient tous brillamment réussi l'épreuve. Elle n'échangea que quelques mots avec Kasumi pour l'informer qu'elle retournait auprès de Léo.

Le mousse n'avait pas changé d'attitude, et elle préféra passer une nuit supplémentaire auprès de lui pour s'assurer que tout allait bien. Au petit matin - ou plutôt en milieu de matinée, le calme de la forêt incitant au repos-, elle déjeuna rapidement avec lui, observant d'un air soucieux son manque d'appétit. C'était compréhensible, certes... Mais elle ne pouvait s'empêcher de s'inquiéter pour lui. il avait l'air amorphe, mais s'il lui reprenait l'envie de sauter par la fenêtre...
Ce n'est qu'après que la vieille elfe eut promis de veiller sur Léo qu'elle accepta d'aller rejoindre ses compagnons. Il était temps qu'elle se mette au courant des éventuelles informations glanées, des décisions prises.... Elle reviendrait voir Léo un peu plus tard dans la matinée, en espérant que leur hôte aurait trouvé de quoi lui occuper les mains et la tête pendant son absence. il ne pouvait pas passer encore une journée entière à ne rien faire d'autre que broyer du noir, cela n'arrangerait pas son état....
Après une ultime recommandation à Léo - ne rien faire d'irréparable !-, elle se mit en route vers la cahute où ses compagnons avaient été hébergés pour la nuit.

[Voyageuse]

Astrée s'était éloigné des autres aventuriers la tête basse. Elle regrettait déjà sa décision, consciente des jours d'angoisses qui promettaient de s'ensuivre. Elle allait s'inquiéter... se ronger les sangs... se rendre malade... ne plus dormir... ne plus être capable de penser à autre chose... Ses jambes la démangeaient, elle luttait contre l'envie de faire demi-tour. Elle entendit les guerriers quitter le village tandis qu'elle errait au hasard dans le village.

Ce n'est qu'en levant les yeux qu'elle vit où ses pas l'avaient conduite : elle se trouvait devant l'enclos où Prince des Frelons avait été enfermé. L'étalon avait l'air un peu boudeur, probablement parce qu'elle lui avait interdit de changer de forme, mais il s'approcha néanmoins en trottinant, peu rancunier. Après tout, il n'avait pas à se plaindre, et n'avait manqué ni d'eau ni de nourriture - ni même de caresses de la part de quelques gosses. Elle se blottit un moment contre lui, devinant plus qu'elle n'entendait les sons de la troupe qui s'éloignait.

Obéissant à une impulsion, elle le prit par le licou et l'entraîna à sa suite, s'obligeant à prendre une direction différente de celle de ses compagnons, résistant à l'envie de les suivre. Elle dépassa les dernières habitations du village sans prêter la moindre attention aux silhouettes qu'elle croisait, simples ombres sans importance. Elle ne s'arrêta que quand elle fut hors de vue et s'assit au pied d'un arbre, laissant la tristesse, l'angoisse, le doute la submerger un moment. Elle aurait sans doute mieux fait de les suivre. Mais non... il savait ce qu'il faisait, et elle n'aurait servi à rien là-bas....

Prince s'éloigna un peu, et quelques minutes plus tard un écureuil roux sautait d'un bond dans ses bras, conscient sans doute du réconfort que sa présence apportait à la rôdeuse. Celle-ci soupira.
- Le meilleur service que tu puisses me rendre, c'est de les suivre à distance et de me prévenir si ça tourne mal. En espérant qu'ils n'aillent pas trop loin, qu'on ne perde pas le contact, sinon ça ne servira à rien... Suis-les, aussi loin que possible, ensuite on avisera. Mais ne te fais pas repérer... De quoi j'aurai l'air si Kasumi se rend compte que je l'espionne ? Il croira que je ne lui fais pas confiance! Et puis, je ne voudrais pas que les elfes te prennent pour un espion...
Elle caressa encore un moment l'animal. Il n'y avait pas urgence, ils venaient juste de partir. Et elle avait tant besoin de réconfort... Mais l'inquiétude, ou peut-être la raison, finit par l'emporter. Elle libéra l'écureuil, lui enjoignant de rester en contact avec elle et de donner des nouvelles. Et le suivit des yeux, le coeur serré, jusqu'à le perdre de vue.

Elle resta un long moment le regard dans le vague, avant de se relever et de revenir vers le village. Elle n'y connaissait personne, elle n'avait nulle part en particulier où aller. Sauf peut-être chez la vieille elfe où elle avait passé les deux dernières nuits. Et où se trouvait sans doute Léo...
Voilà qui n'allait guère améliorer son moral. Mais elle se devait de prendre des nouvelles, même si elle avait le sentiment que cela ne servait à rien...

[Taliesin]

Lorsqu'elle atteignit la demeure de la vieille femme, celle-ci ne s'y trouvait pas. Rien d'étonnant là-dedans : c'était sur ses épaules que reposait désormais la responsabilité des dernières habitantes du village. Elle ne pouvait donc passer son temps a veiller sur le mousse.
La rôdeuse nota cependant que la porte d'entrée de la cabane, ainsi que la trappe menant à l'étage supérieur, n'étaient pas fermées à clef.

[Voyageuse]

Astrée n'hésita pas longtemps à franchir la porte. Elle se disait qu'il était peu probable que la vieille femme ait laissé Léo seul toute la journée sans surveillance et sans occupation. Peut-être avait-elle trouvé quelque tâche à lui confier pour lui occuper les mains - et l'esprit. Il en avait besoin...
Par acquis de conscience, elle monta les quelques marches qui conduisaient à l'étage supérieur, poussant la trappe. Après tout, le jeune mousse était parfaitement capable d'avoir refusé toute activité extérieure, et dans ce cas, une petite visite ne lui ferait pas de mal.

[Taliesin]

Le gamin se trouvait bel et bien dans la pièce où la rôdeuse l'avait laissé. Pire, drapé dans sa couverture, malgré la touffeur ambiante, les genoux repliés contre la poitrine, le regard perdu dans le vague, il paraissait ne pas avoir esquissé le moindre mouvement depuis la dernière fois où elle l'avait vu. L'impression était cependant trompeuse : il avait touché - quoi que chichement - au repas que la vieille amazone lui avait porté. En revanche, il avait négligé les vêtements qu'elle avait déposés à côté du plateau, Sans doute se refusait-il à endosser des frusques tissées par ses geôlières.
Lorsqu'Astrée entra, il lui jeta un regard étonné : sans doute ne s'était-il pas attendu à ce qu'elle reste en arrière tandis que les autres partaient en guerre. L'instant suivant, il se détournait, fixant à nouveau le mur devant lui.

[Voyageuse]

- Bonjour....

Pas très original comme début de conversation...le gosse allait mal et elle se demandait bien comment le tirer de son mutisme. Il fallait l'occuper, le faire bouger, le faire se sentir utile... ou au moins l'empêcher de ruminer. mais comment ?
- Ils sont partis... Tu as dû les entendre... mais j'ai préféré rester en arrière. L'attaque contre les elfes ne m'inspirait pas vraiment. Et puis, le village a besoin de quelques défenseurs, au cas où on nous prenne à revers... Et il n'y a plus grand-monde capable de s'en charger, à part toi et moi. On ferait peut-être bien d'aller voir tout ça de plus près ?

[Taliesin]

Le garçon se tourna vers elle, les sourcils froncés sous le coup de l'incrédulité.
-J'crois pas que ce soit à un mâle minuscule qu'on confierait la défense du village. Et puis, la vieille elfe est restée : elle doit avoir tout plein de pouvoirs pour défendre celles qui sont encore là. Et vous êtes là, vous aussi... Bref, je pense pas qu'on ait besoin de moi.

[Voyageuse]

Astrée sourit. Au moins avait-elle obtenu une réaction - minime, certes, mais il avait ouvert la bouche, c'était déja bien.
- Je pense que le meilleur moyen de se rendre compte si on a besoin de nous, c'est d'aller voir et de proposer notre aide! Même si la vieille elfe a des pouvoirs, elle ne peut pas défendre à elle seule un village entier. Elle sera vite débordée. Et moi, c'est pareil, seule je ne peux pas grand-chose. Plus on est nombreux, et mieux ce sera... On n'a pas tant de personnes compétentes que ça, donc à mon avis tous les volontaires seront accueillis à bras ouverts.
Elle jeta un coup d'oeil aux vêtements que le gosse n'avait pas touchés.
- Tu veux que j'aille te chercher ton sac? Tu avais sûrement des vêtements de rechange... Sinon, Kasumi a dû laisser quelques affaires, ce n'est pas tout à fait ta taille mais ça devrait convenir, non ?

[Taliesin]

L'incrédulité du gamin ne fit que croître.
-Comment vous pourriez avoir retrouvé mon sac ? On l'a laissé sur la plage, quand on a été attaqués par les squelettes... Et puis, même si vous l'aviez, c'est pas vraiment mon sac. C'est celui de monsieur d'Aiglepierre. Dedans, y a que des papiers : des cartes, des informations sur les mages... Mon père, quand il m'a envoyé le chercher, il m'a demandé d'y mettre le journal de bord et d'autres documents...

[Voyageuse]

Astrée sourit, et s'assis près de lui.
- Les elfes ont retrouvé nos affaires... La marée a dû les ramener sur une autre plage. On a donc de nouveau nos armes, nos vêtements... Enfin, sauf toi, apparemment. Mais ma proposition d'aller te chercher des affaires de rechange tient toujours, vu qu'apparemment tu ne veux pas enfiler ces vêtements-là....
Le ton était interrogatif. Et inquiet. Le gosse n'avait pas l'air mieux que la veille.

[Taliesin]

Léo jeta un coup d'œil aux frusques en question.
-Je me disais que ne plus rien porter sur le dos aurait été une belle marque d'humilité et de repentance, dit-il avec un sérieux dont la rôdeuse ne put deviner s'il était réalité ou comédie. Mais s'il faut que j'enfile quelque chose, je les prendrai. Eux ou d'autres, de toute façon...
Il laissa sa phrase en suspens

[Voyageuse]

Astrée préféra prendre sa réponse sur le ton de la plaisanterie. Histoire de ne pas donner trop de poids à cette histoire d'humilité, qui pouvait hélas être sincère...
- Oui, l'essentiel est d'avoir quelque chose sur le corps... Mais peut-être souhaites-tu quelque chose de plus seyant pour séduire les jeunes demoiselles elfes qu'on ne manquera pas de croiser ? Je peux aller te chercher ça si tu veux!
Il n'était certainement pas dans l'état d'esprit adéquat pour cela, elle le savait bien. Mais elle aurait bien voulu amener ses pensées, même brièvement, sur un sujet plus léger. Même si ce n'était que de la comédie...

[Taliesin]

-Vous ne trouverez rien de plus seyant qu'un uniforme, répondit-il, spontané, avant de s'assombrir brusquement.
Il fit pourtant effort pour se reprendre.
-Mais de toute façon, je n'ai aucune intention de les séduire. Les elfes sont trop maigrichonnes, pis les oreilles pointues, bof...

[Voyageuse]

- Tu n'as pas tort... je veux dire, pour les oreilles...
Bon, d'accord, Kasumi avait aussi les oreilles pointues, et alors ? C'était pas pareil. Peut-être pas autant... et puis, non, ça ne comptait pas...

- Bon, alors, tu t'habilles pour aller faire un tour dans le village ?
L'essentiel était de le bouger de là, de l'occuper un peu.

[Taliesin]

Le mousse fit la grimace.
-Je suis vraiment obligé de sortir ? Franchement, je suis pas sûr que ça serve à grand chose. A moins que vous vouliez me livrer aux gamines qui sont restées pour qu'elles m'obligent à jouer à la poupée, à la dinette ou au papa et à la maman... Brrr.

[Voyageuse]

Astrée eut un sourire amusé.
- Oui, tu es obligé de sortir, jeune homme ! fit-elle d'un air faussement autoritaire. Et je ne pense pas que les filles d'ici jouent tellement à la poupée, vu l'exemple qu'elles ont de leurs mères. je les imagine plutôt jouer à la guerre... Et de toute façon, on ne va pas voir les gosses, on va inspecter les défenses du village, et voir si on peut améliorer quelque chose...

[Taliesin]

Léo fit la moue.
-Comment vous voulez qu'on les voie pas, puisqu'il y a plus que ça, ici ? Et comment vous voulez qu'on défende le village ? Construire des barricades ou creuser des fossés, on pourrait pas, vu qu'on est que deux ; en plus, ça ne servirait à rien, vu que les elfes ils grimpent aux arbres, passent de branches en branches. Aprs, faire des pièges et tout ça, j'y connais rien : je suis marin, pas rôdeur.

[Voyageuse]

Evidemment...
Astrée soupira. Elle savait bien qu'à eux eux ils ne pouvaient pas défendre le village... Son seul objectif était d'amener le gosse à sortir de sa réclusion volontaire, mais il avait vraiment réponse à tout. Elle tenta d'insister encore un peu.
- On peut au moins repérer les lieux, comme ça en cas d'attaque on s'y retrouvera... On saura où aller, qui commande... Si on reste enfermés ici on ne servira à rien !

[Taliesin]

Léo secoua la tête.
-Je suis pas sûr que je servirai à quelque chose en quittant cette pièce. Mais bon, je commence à vous connaître : je sais que vous cherchez des prétextes pour me faire sortir et que vous continuerez tant que je n'aurai pas cédé. Alors autant s'épargner de longues palabres...
Il poussa un soupir spectaculaire, se leva et, résigné, entreprit de s'habiller.

[Voyageuse]

Astrée ne chercha pas à nier.
- Tu comprends vite, on dirait, fit-elle d'un ton léger. Ton cerveau n'est donc pas trop ramolli malgré ta réclusion... C'est déjà pas si mal !

Elle attendit patiemment que le mousse soit habillé avant de se diriger vers la porte. Elle n'avait pas la moindre idée de l'endroit où elle allait l'emmener - dans quoi diable venait-elle de s'engager ? - mais l'essentiel était de le faire sortir.
- On va commencer par allerau centre du village, ça doit fourmiller d'activité...